Après la sélection des jurés le 9 mai, tous les témoignages ont été entendus dans le nouveau procès entre Google et Oracle autour de la copie « illégale » de 37 API Java dans Android. Les deux parties et les membres du jury se présenteront à nouveau devant le tribunal le lundi prochain. Ce sera alors l’occasion pour les avocats de chaque partie de faire leur plaidoirie, un exposé verbal au cours duquel ils essaieront de convaincre le jury.
Les délibérations pourront dès lors être faites, afin que nous soyons situés sur le sort de Google. Étant donné que Google est déjà reconnu coupable d’avoir copié les API Java, le verdict consistera à dire s’il s’agit d’une violation de la propriété intellectuelle ou d’un usage loyal. Dans le dernier cas, ce sera une grande victoire pour Google, mais dans l’autre, il faudra encore décider des dommages et intérêts à payer.
Mais après tous les témoignages, on peut s’interroger à nouveau sur les motifs réels du conflit. Dans les témoignages en faveur d’Oracle et les arguments présentés par les avocats de la firme de Larry Ellison, deux chefs d’accusation se démarquent clairement. Si le procès concerne la violation d’API Java, il semble qu’Oracle en veut surtout à Google à cause du succès d’Android. Il convient alors de se demander de quoi Google est-il accusé en fin de compte ? De violation de droits d’auteur ou de vol d’opportunité ? Oracle aurait-il poursuivi Google si Android était un échec ?
Ces interrogations trouvent leurs fondements dans les différentes prétentions et revendications d’Oracle et des personnes qui ont témoigné en faveur de la société ; lesquelles prétentions et revendications laissent croire que le procès n’aurait peut-être pas eu lieu si Android était un échec. L’éditeur de SGBD et ses témoins n’ont en effet pas manqué de rappeler avant et pendant le procès que Google a volé l’opportunité d’Oracle. À l’ouverture, l’intervention de l’avocat d’Oracle consistait à prouver un seul fait, que Google a détourné la propriété de son client pour saisir son opportunité et percevoir ses revenus.
Alors que les témoins se succédaient, Neil Civjan, responsable des ventes de Sun à l’époque a joué la même carte, estimant que le lancement d’Android a eu un impact « dévastateur » sur les revenus de licences Java, entraînant ainsi le déclin du business des licences Java pour les constructeurs mobiles.
Également appelé à la barre des témoins, Alan Brenner, Vice-président Consumer and Mobile Systems Group à Sun Microsystems jusqu’en 2007, s’est aligné sur le témoignage de l’ancien responsable des ventes de Sun. Il impute aussi la chute des téléphones utilisant la technologie Java mobile au lancement d’Android. Son témoignage contredit toutefois ses propres estimations qu’il avait faites à Sun bien avant le dévoilement d’Android. Dans une présentation sur les prévisions de revenus de licences Java entre 2007 et 2010, Alan Brenner montre deux scénarios « agressif » et « conservateur ». Le premier prévoyait une baisse des revenus de licences Java ; ceux-ci devant passer de 140 millions USD par an à 105 millions, alors que le second prévoyait une chute plus forte de 140 millions à 50 millions de dollars US. Pourquoi impute-t-il donc la chute des revenus de licences Java à Android ?
Intervenant en tant que dernier témoin pour la partie plaignante dans ce procès, un économiste embauché par Oracle a également livré le même témoignage. Adam Jaffe soutient que Java aurait eu un succès continu dans l’espace mobile et Android n’aurait certainement pas eu autant de succès si Google n’avait pas copié les 37 API Java en question. Monsieur Jaffe affirme que « la fenêtre d’opportunité » de Java a commencé à se fermer avec l’arrivée d’Android.
À l’issue de ce procès, Oracle espère s’en tirer avec plusieurs milliards de dollars en dommages et intérêts, après que Google soit reconnu coupable par le tribunal de violation de droits d’auteur. L’expert en dommages et intérêts d’Oracle a en effet donné une estimation de 9,3 milliards USD qui se décline en deux composantes. La première d’un montant de 475 millions de dollars US correspond à l’argent que la société aurait pu se faire en attribuant une licence Java aux constructeurs de dispositifs mobiles, si Google n'avait pas développé Android. La deuxième composante d’une valeur de 8,829 milliards de dollars US, quant à elle, représente les bénéfices réalisés par Google grâce à Android.
Mais la copie illégale des API Java est-elle vraiment ce qu’Oracle reproche à Google ? Si oui, pourquoi Larry Ellison, ancien PDG d’Oracle et actuel PCA de la société s’est-il félicité de l’utilisation de Java dans Android en 2009 ? Pourquoi Oracle et ses témoins insistent-ils donc sur la chute des revenus de licences Java, basées sur Java ME (Mobile Edition) alors que les API copiées par Google sont basées sur Java SE (Standard Edition) ?
Et vous ?
Qu'en pensez-vous ?
Procès API Java : en fin de compte, de quoi Google est-il accusé par Oracle ?
De violation de droits d'auteur ou de vol d'opportunité ?
Procès API Java : en fin de compte, de quoi Google est-il accusé par Oracle ?
De violation de droits d'auteur ou de vol d'opportunité ?
Le , par Michael Guilloux
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