Deux rapports publiés la semaine passée ont révélé que des forces de l’ordre, indépendamment des pays, ont déjà abusé de leur pouvoir à accéder aux informations sensibles de personnes qui n’ont pas commis de crime ou alors n’ont pas été officiellement inculpées.
L’un des deux cas nous vient de Associated Press qui a cité un rapport publié par une agence indépendante d’audit de la police de Denver. Selon le rapport, durant les dix années écoulées, 25 officiers de police ont été surpris en train d’utiliser la base de données de la National Crime Information Center (NCIC) mise à leur disposition pour des raisons personnelles comme obtenir le numéro d’une femme.
Pour rappel, la NCIC garde des informations sur les citoyens américains. Elle est utilisée par des milliers d’agences/organismes d’application de la loi dans le pays pour attraper des criminels, retrouver des propriétés volées, identifier des suspects de terrorisme, etc. Les agents qui s’en servent recherchent par exemple des informations sur des vols d’armes et de voitures, sur des fugitifs, sur des criminels sexuels et bien d’autres sujets.
Depuis 2006, 25 agents ont été pris en train d’utiliser NCIC à d’autres fins que des besoins d’enquêtes et pourtant ils ont reçu des punitions légères. Même si la police de Denver maintient qu’un usage inapproprié de cette base de données se traduit par un renvoi de l’agent qui s’est rendu coupable de l’infraction, le rapport affirme que la punition maximale qui a été donnée était une suspension de trois jours. Parmi ces 25 officiers, l’un d’eux a recherché le numéro d’une femme, employée d’hôpital avec laquelle il avait discuté durant une enquête de crime sexuel, et l’a appelée chez elle contre sa volonté. Un autre a fait une recherche relative à la plaque d’immatriculation d’un véhicule pour un ami, ce dernier s’est alors rendu au domicile de la personne et l’a menacée.
Le second cas nous vient cette fois-ci du côté de la Grande-Bretagne dans un rapport publié par le Biometrics Commissioner. Il s’agit d’un rapport fait sur l’année 2015 relatif à la rétention et à l’utilisation de matériel biométrique et qui a été présenté au Parlement ce mois-ci. Le commissaire a noté entre autres que la police britannique ne suit pas les procédures normales en ce qui concerne les données biométriques comme les empreintes digitales ou l’ADN.
Par exemple, lorsqu’un suspect est relâché par la police, les normes de la police anglaise voudraient que les données biométriques prises sur lui soient détruites. Même si le suspect fait toujours partie de l’enquête, si aucune charge n’a été retenue, ces données doivent être détruites. Dans le cas où les officiers de police souhaitent garder ces données, ils doivent suivre une certaine procédure pour y parvenir.
Pourtant, le commissaire va certifier que les officiers de police britanniques ne suivent pas cette procédure et ont conçu une base de données de ces informations biométriques qui sont donc considérées comme étant illégales. Ils continuent de s’en servir pour mener leurs enquêtes. Étant donné que la base de données a été conçue pour détruire automatiquement les données biométriques, le commissaire affirme que les agents ont trafiqué leur système afin de retenir l’information.
Pourquoi est-ce important ? Avec le débat opposant Apple au FBI qui fait rage et certaines autorités dans le monde, aussi bien aux États-Unis qu’en France, qui pensent à exiger les portes dérobées sur des produits, ces rapports viennent mettre en exergue les dangers qui peuvent en découler. De plus, il suffit qu’un pirate s’empare de la clé de chiffrement qui sera remise aux forces de l’ordre pour que tout le canal chiffré soit mis en péril.
Ces deux rapports mettent en lumière un facteur qui n’a pas été pris en compte depuis le début dans les échanges : le facteur humain. Avec une porte dérobée fournie aux forces de l’ordre, rien n’empêche un officier d’abuser de son autorité.
Source : AFP, rapport annuel du Biometric Commissionner (au format PDF)
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