Bien entendu, le chef du monde libre a adopté, dans une certaine mesure, la même position que le gouvernement, expliquant qu’un « chiffrement solide, peu importe les conséquences (...), fétichise nos téléphones, en les plaçant au-dessus de toute autre valeur ». Pour lui, cette solution va « à l'encontre de l'équilibre (entre respect de la vie privée et sécurité) que notre pays a atteint depuis deux cents ou trois cents ans ». Raison pour laquelle « il faut s'assurer que le chiffrement et la clef soient le plus solides possible, tout en permettant au plus petit nombre d'individus possible d'y accéder dans un certain nombre de cas sur lesquels nous devons nous mettre d'accord ».
Une position qui n’a pas décidé Apple à abdiquer, bien au contraire. Dans sa dernière déposition en attendant les dépositions orales qui auront lieu la semaine prochaine, Apple a repris l’argumentation du juge fédéral de New York James Orstein, qui a estimé que l’interprétation du All Writs Act faite par le gouvernement est absurde dans la mesure où elle va autoriser ce que le gouvernement recherche, même si tous les membres du Congrès avaient voté contre l’octroi d’une telle autorité.
Aussi, bien qu’Apple dispose des moyens techniques pour se soumettre à l’injonction du tribunal, l’entreprise estime que le All Writs Act n’implique pas que ce que le Département de la Justice indique. Bien que cette loi permette aux tribunaux de faire des injonctions, ce pouvoir n’est pas sans limites. « Le gouvernement recherche ici une injonction qui n’est ni accréditée par la loi actuelle ni autorisée par statut. En effet, le gouvernement ne s’est référé à aucune injonction disponible dans la loi actuelle qui obligerait une partie privée à effectuer un travail contraignant, créer un nouveau logiciel ou être cité à comparaître pour assister les forces de l’ordre ».
« Le gouvernement soutient toutefois que, parce que la Cour a émis un mandat de perquisition valide, elle peut ordonner à des tiers innocents de fournir des services que le gouvernement juge « nécessaires » ou « appropriés » pour achever son investigation. Mais cette théorie « large » et « flexible » du Writs Act n'a aucun principe limitatif. Voir Ivey, 47 F.3d à 185 (en tenant compte de plusieurs « parallèles hypothétiques » montrant que la lecture de la Loi faite par le requérant permettrait au tribunal d'émettre un certain nombre d’injonctions non admises par la loi actuelle). En effet, il est dit que le gouvernement ne parvient même pas à résoudre les cas hypothétiques qui lui sont soumis (par exemple, contraindre une société pharmaceutique à fabriquer des composés d’injections létales ) ».
« Le gouvernement menace aussi implicitement Apple de forcer l’entreprise à lui donner son code source ainsi que la signature électronique privée. Les implications de sécurité catastrophiques de cette menace viennent mettre en évidence l’incompréhension ou la négligence fondamentale du gouvernement sur le problème technologique et les risques de sécurité impliqués par sa suggestion ».
Les avocats d’Apple ont déclaré à la presse que cette affaire est grave et comporte de profondes implications : « la position du gouvernement a des implications radicales. En vertu de l'avis du gouvernement, l'État pourrait forcer un artiste à peindre une affiche, un chanteur à interpréter une chanson, ou un auteur à écrire un livre, tant que son objectif est de parvenir à une fin admissible, qu’il s’agisse d'accroître les effectifs militaires ou de faire la promotion de la santé publique ».
Source : exposé d'Apple (au format PDF)