En début février 2015, le ministère de l'Intérieur a publié un décret donnant à l'administration la possibilité de procéder à un blocage d'un site web, sans accord préalable d'un juge, si celui-ci a été identifié comme « incitant à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie ». Limitée initialement au blocage administratif des sites diffusant des images et représentations de mineurs à caractère pornographique, cette possibilité a été étendue afin de lutter contre le terrorisme. Bernard Cazeneuve avait alors affirmé « qu'aujourd'hui, 90 % de ceux qui basculent dans des activités terroristes au sein de l’Union européenne le font après avoir fréquenté internet », à la sortie du Conseil des ministres.
Dans le même ordre d'idée, le mois qui a suivi, un décret relatif au déréférencement des sites provoquant à des actes de terrorisme ou en faisant l'apologie et des sites diffusant des images et représentations de mineurs à caractère pornographique a été publié.
Des décrets qui n'ont pas été applaudis par tout le monde, en particulier par l’association French Data Network (FDN), la Fédération FDN (FFDN) et La Quadrature du Net qui ont saisi la haute juridiction administrative pour contester la légalité de ces deux décrets.
En réalité, deux procédures ont été initialisées contre le décret relatif au blocage des sites faisant l'apologie des actes de terrorisme. La première, qui était un recours devant le Conseil d'État, a été menée par ces trois entités. Elles ont estimé que la procédure portait atteinte à la liberté de communication, à la liberté d'expression, mais aussi au secret des correspondances (une fois que le domaine mondomaine.fr est bloqué et redirigé, les courriels destinés à pseudo@mondomaine.fr seront également redirigés).
« Le décret attaqué ajoute à cela l’obligation de rediriger le trafic vers une page d’information du ministère de l’Intérieur. En redirigeant vers une page du ministère de l’Intérieur les personnes tentant d’accéder aux services dont l’accès est empêché, des données à caractère personnel identifiant de manière non ambiguë l’internaute sont transmises au serveur du ministère de l’Intérieur. De fait, le décret attaqué instaure une mesure de surveillance constitutive d’une restriction de la liberté de communication des pensées et des opinions. Ce faisant, le pouvoir réglementaire a outrepassé le champ des compétences qui lui sont dévolues par la Constitution », ont estimé les demandeurs.
Le Conseil d’État n’a cependant accepté aucun des arguments.
La seconde était une procédure engagée par la Quadrature du Net seule qui a envoyé une lettre à l’Office Central de Lutte contre la Criminalité liée aux Technologies de l’Information et de la Communication (OCLCTIC) afin de demander la communication des adresses électroniques qui ont fait l'objet d'un blocage administratif, la liste des sites bloqués en application à ce décret n'ayant pas été publique. Demande qui s'est vue rejetée.
Concernant le décret permettant le déréférencement des sites provoquant à des actes de terrorisme ou en faisant l'apologie, les demandeurs ont avancé à peu près les mêmes arguments. Ils ont également estimé qu'il existe des mesures alternatives au déréférencement plus proportionnées, avancé qu'un contrôle des mesures par une personne qualifiée de la CNIL est ineffectif, mais aussi que la loi et le décret ne réunissent pas les garanties suffisantes pour éviter les abus.
Ces arguments ont eux aussi été rejetés.
Félix Tréguer, un des membres fondateurs de l'association La Quadrature du Net, a indiqué qu’un recours serait déposé auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.
Le mois passé, dans une déclaration publique, cinq rapporteurs spéciaux de l'ONU ont exprimé leur inquiétude concernant les dispositions permettant l’interruption de services de communications au public en ligne et des sites internet : « nous tenons à réitérer nos inquiétudes, notamment en ce qui concerne l’absence de contrôle judiciaire sur les procédures de blocage des sites internet et sur le fait que les recommandations de l’autorité administrative n’aient pas de caractère juridiquement contraignant ».
Source : La Quadrature du Net, recours FDN (au format PDF), Nations Unies
Voir aussi :
la France publie le décret sur le blocage des sites sans juge
France : le Conseil d'État rejette le recours exercé contre le blocage sans juge
De sites Internet
France : le Conseil d'État rejette le recours exercé contre le blocage sans juge
De sites Internet
Le , par Stéphane le calme
Une erreur dans cette actualité ? Signalez-nous-la !