Supposons que vous avez en face de vous un petit site communautaire pour des développeurs du langage X (mettez-y ce que vous souhaitez), site qui est régit par Alain Bernard, lui aussi développeur dans ce langage X. Si vous cherchez des détails sur le domaine d’Alain Bernard en utilisant l’application WHOIS, vous obtiendrez des résultats comme le contact du titulaire de nom (son nom, le nom de l’organisation, l’adresse postale, le numéro de téléphone, le courriel, etc.), le contact administratif, le contact technique et bien d’autres informations comme le bureau d’enregistrement, le statut, les dates importantes (création, mise à jour, expiration de l’enregistrement).
Bien sûr il ne s’agit pas forcément des vraies informations de contact d’Alain Bernard, puisqu’il peut y avoir plusieurs raisons pour lesquelles il ne désire pas que ces détails privés soient disponibles gratuitement. Au lieu de cela, Alain Bernard utilise un service d’enregistrement proxy qui va répondre à la règle de l’ICANN (l’organe de régulation des ressources numériques d’internet) selon laquelle les informations de contact doivent être disponibles pour tous les domaines, tout en gardant ses informations réelles de contact privées. Quiconque désire avoir les informations d’Alain Bernard comme l’adresse physique ou le numéro de téléphone peut demander une ordonnance de la cour ou une assignation intimant au service de les divulguer.
C’est à peu près comment cela fonctionne. Cependant, en vertu d’une proposition qui est actuellement examinée par l’ICANN, cela pourrait être amené à changer. Le texte propose que les domaines utilisés à des buts commerciaux ne soient plus éligibles pour faire usage des services d’enregistrement proxy. Est-ce que ce site communautaire est utilisé à des fins commerciales ? En fait, Alain Bernard couvre actuellement tous les frais afférents au site, des dépenses qui peuvent plus ou moins s’avérer lourdes au fur et à mesure que la communauté s’agrandit. Aussi, il a décidé de demander une participation en signalant aux visiteurs que « les annonces et les dons pourraient être utilisés à l’avenir pour couvrir les frais ». Pourtant, les sites qui utilisent des publicités ont été catégorisés comme des domaines à usage commerciaux. Si une définition si large est adoptée par l’ICANN, Alain Bernard pourrait se voir contraint de renoncer à sa vie privée dès lors qu’il diffuse de la publicité sur son site.
Le cas d’Alain Bernard est loin d’être un cas isolé. Ils sont déjà des milliers à s’être plaint sur le forum de l’ICANN suite à cette proposition. Voici un message de l’utilisateur enregistré sous le nom Sarah Brown qui explique que « je dirige un certain nombre de sites qui me permettent de gagner ma vie en ligne à plein temps. J’aide et instruit les autres sur la façon de réussir en ligne (gratuitement). Malheureusement, en dépit de ma générosité, je suis traquée, harcelée et j’ai vu le contenu de mes sites volés. C’est alors que j’ai décidé d’utiliser WHOIS pour empêcher les utilisateurs d’internet peu scrupuleux de trouver mes sites, mon adresse personnelle et mon numéro de téléphone. Supprimer ce paramètre privé ne servira qu’à mettre mon foyer, ma vie et les personnes que j’aime en danger ».
Et d’argumenter en disant que « cela sert de tampon pour nous protéger de la folie des gens de ce monde. Nous vivons des temps dangereux où la jalousie et la cupidité dépassent la compassion et l’éthique. En nous dépouillant de nos données privées, vous nous exposez au danger que représentent les harceleurs d’internet et vous mettez également nos foyers, vies et personnes qui nous sont cher en danger. Ça ne se réduit pas à déterminer les sites commerciaux et les sites non commerciaux. Nous sommes de vrais individus, avec de vraies vies, qui pourraient finir par être en réel danger si nos informations atterrissent dans de mauvaises mains ».
Ce changement est soutenu par des entreprises de divertissement américain qui ont expliqué au Congrès en mars que le caractère privé de l’enregistrement de domaine ne devrait être autorisé que dans des « circonstances limitées ». Il faut dire que ces entreprises (et d’autres dans l’industrie) cherchent à acquérir de nouveaux outils pour identifier les propriétaires de sites qui pourraient alors être accusés par exemple de violation de droit d’auteur sans nécessairement passer par une ordonnance du tribunal pour obtenir au préalable les identités des propriétaires. Ce à quoi l’EFF s’oppose en expliquant que la capacité de parler de façon anonyme sur internet protège les personnes qui partagent sur la toile des opinions qui peuvent être jugées comme marginales ou qui sont carrément impopulaires, leur permettant de s’exprimer librement sans crainte de représailles. L’EFF soutient que cela protège également les dénonciateurs qui vont exposer des crimes de toutes sortes.
Source : Proposition initiale (au format PDF), plaintes sur le forum de l'ICANN
Les défenseurs de la vie privée s'opposent à la proposition faite à l'ICANN
D'annuler l'anonymat des propriétaires de sites
Les défenseurs de la vie privée s'opposent à la proposition faite à l'ICANN
D'annuler l'anonymat des propriétaires de sites
Le , par Stéphane le calme
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