Arrivé en cette fin d'année universitaire, la recherche de mon premier job d'ingénieur en informatique a débuté. Je n'ai volontairement pas candidaté spontanément sur les SSII, je me suis contenté de placer mon CV sur différentes job board, en sachant que ces rapaces allaient me tomber dessus rapidement. J'ai en parallèle envoyé des candidatures vers des "vraies" entreprises ciblées autour de mon domaine de prédilection. Je ne me suis pas planté, mon CV mis en ligne sur les job board en soirée, j'ai eu pas moins de 6 appels dès le lendemain, uniquement en provenance de SSII. Comme je voulais tenter de me faire mon propre avis, je suis rentré dans leurs processus de recrutement, histoire de voir.
Comme aucunes de ces SSII étaient dans ma région, nous avons toujours débuté par des entretiens téléphoniques. A chaque fois, c'est le même modèle : présentation de l'entreprise puis on me laisse quartier libre pour me présenter. Si certains "manager" (c'est comme ça qu'ils se font appeler) avaient visiblement étudié mon CV, certains n'avaient visiblement même pas pris 2 minutes pour le parcourir. C'est sans compter sur certaines SSII qui réclament avant même ce premier entretien de renseigner un "CV" sous leurs couleurs, en réclamant tout de suite des informations "confidentielles" (notamment numéro de sécu), j'ai pour ma part refusé de renseigner ces champs, considérant qu'il serait bien assez tôt pour leur donner ces informations au moment de l'établissement du contrat. J'ai donc quand même pris pas mal de temps pour remplir ces fichus CV, perte de temps à renseigner des informations qui figurent déjà sur mon CV personnel, et cela ne garantit même pas que le "manager" aura pris connaissance de votre parcours pour le premier entretien... Ces CV servent donc essentiellement à alimenter leur banque de profils...
Bref, une fois la date de rendez-vous téléphonique arrivée, j'ai eu de tout : des correspondants à peu près ponctuels au correspondant qui visiblement prenaient les choses avec bien peu de considération : j'ai parfois (et à plusieurs reprises) attendu l'appel pendant plus d'une heure, avant d'appeler moi-même pour m'entendre dire que le rendez-vous était décalé parce que Mr Untel avec qui j'avais rendez-vous avait eu un empêchement. Cela peut arriver et je le comprends, en revanche, quand un "manager" me fait le coup plusieurs fois de suite, personnellement, je flaire le foutage de gueule...
Lors de ces conversations, une question venait en général très très rapidement, celle des prétentions salariales. J'ai pour ma part pris un chiffre qui correspondait au salaire moyen en sortie de mon école. A chaque fois, on m'indiquait rapidement que mes prétentions étaient largement surestimées (j'ai eu cette réponse également pour certains postes à Paris…) et qu'il ne fallait pas m'attendre à avoir autant, aucun jeune diplômé n'était payé autant etc etc... Durant ces échanges, j'indiquais aussi qu'il était important pour moi de travailler dans mon domaine de prédilection, et j'insistais bien sur ce fait, car je sais qu'il y a du travail dans ce domaine, il est donc possible de décrocher des missions qui correspondent à mes attentes. A chaque fois, mon correspondant m'affirmait que oui, c'était possible de débuter dans ce domaine.
La suite logique des entretiens était des entretiens physiques. Si la majorité des entretiens que j'ai passé l'étaient effectivement avec des manager de mon domaine de prédilection, certaines SSII m'ont fait rencontrer des "managers" du domaine télécom, domaine pour lequel je n'ai aucune attirance et qui n'a aucuns points communs avec mon domaine cible (voir limite j'ai une aversion pour les telecoms). Bref, ce genre de comportement m'a fortement déçu (et déplut) vis à vis d'un candidat (moi) prêt à faire plusieurs centaines de km pour un entretien.
Arrivent ensuite les propositions. A savoir que certaines SSII m'ont fait des propositions sur la simple base de 2 entretiens téléphoniques, sans jamais m'avoir rencontré. Aucunes des SSII ne m'as non plus fait passé de tests techniques... ils prennent donc pour argent comptant tout ce qui est sur le CV (pour ma part, mon CV n'était pas bidonné, je suis tranquille avec ma conscience, mais pour des candidats qui embelliraient un peut leur CV, il serait facile de les tromper...) ainsi que ce qui leur est dit en entretien.
Certaines font simplement des propositions écrites avec le salaire, certaines envoient carrément le contrat. Je passe sur les propositions de contrats faites avec le mauvais prénom, une faute dans le nom et une erreur sur l'adresse (j'avais bien compris que je n'étais qu'un numéro, merci de confirmer ce sentiment !). Conformément à ce qu'ils m'avaient dit, les salaires sont entre 3 et 6 k€/an en dessous de mes prétentions (et donc du salaire moyen de mon école).
Côté salaire, c'est le grand enfumage ! Typiquement, on me proposait un salaire mirifique sur Paris de 32k, et comme ils sont bien conscients que cela n'est pas suffisant pour convaincre, ils disent qu'ils "garantissent minimum 10€ de frais par jour de travail", soit environ 2200€ par an (net d'impôts et de charges salariales... c'est surtout ce dernier élément qui les poussent à procéder de la sorte j'imagine car ça permet de gonfler le "salaire" sans que cela ne coûte trop cher). Afin de faire encore gonfler ce chiffre, ils calculent un "équivalent brut" de cette somme, en divisant par 0,75 (pour prendre en compte les 25% de charge salariales). Pour une personne seule, ces 2200€ seraient imposés dans la tanche des 30%, ils divisent encore par 0,70 pour avoir un équivalent imposable. Les 2200 € de frais sont donc transformés comme par magie en un "4190€ équivalent brut". Ce petit arrangement n'a pas fonctionné chez moi :
- Je suis pacsé avec ma compagne, et nous avons un enfant, nous n'atteignions donc pas la tranche des 30% d'imposition (en réalité, notre taux marginal serait à 5,5% avec ce salaire selon mes simulations).
- C'est le salaire brut qui compte pour le calcul d'éventuelles indemnités chômage, notre hypothétique retraite, les négociations d'augmentations qui se font sur la base du salaire... je sais aussi que c'est le salaire qui intéresse les banquiers dans le cadre d'un éventuel emprunt, le défraiement (même fictifs) n'est pas pris en compte.
- En cas d'arret de travail (maladie...), ces fameux frais ne seront pas versés durant toute cette période.
- Les frais sont normalement attribués dans le cadre des "frais réels", c'est à dire que ce sont des remboursements de dépenses réellement effectuées par le salarié dans la cadre des missions confiées par son entreprise. Attribuer des frais de façon "automatique" comme cela est proposé est donc illégal. Rien ne garantit qu'un juge n'interdise pas un jour leur versement dans ce cadre, et si l'entreprise décide un jour de supprimer ces frais "automatique" de façon unilatéral, le salarié n'aura bien sur aucuns recours puisque légalement ces frais fictifs n'auraient jamais dû être versés.
Bref, ce qui doit nous intéresser, c'est le salaire au contrat, et uniquement celui-là... les frais ne sont que de la poudre aux yeux.
Autre technique pour augmenter (d'un peu) les salaires artificiellement : la prime Syntec. La convention Syntec prévoit en effet qu'une "prime vacance" correspondant au minimum à un mirifique 12% d'un salaire mensuel brut (en fait 10% de la valeur des congés payés), soit 300€ pour un salaire de 30k. Certains intègrent cette prime dans le salaire annuel brut. On vous parlera alors par exemple de "30k€ payés sur 12,12 mois". Je n'ai bien sur eu aucune proposition de "prime Syntec" qui aille au-delà de ce minimum conventionnel de 12%.
Une fois que les propositions sont tombées, on vous demande en général une réponse assez rapide. Pour ma part, j'attendais une proposition d'une "vraie boîte" qui tardait un peu pour des raisons administratives. Je savais les SSII réellement intéressées par mon profil (j'ai un certain nombre de particularités qui rendaient mon profil un peu différent). Lorsqu'elles ont commencées à devenir pressentes, je leur ai fait comprendre que s'il leur fallait une réponse maintenant, c'était négatif. Elles ont patienté... si vous avez la chance d'être dans le cas d'un profil un peu différent qui les intéresse beaucoup, profitez-en si besoin...
Parlons un instant de la convention Syntec... rappelons que cette convention a été écrite par le Medef (syndicat du patronat), on se doute bien que ça n'est pas la convention qui est la plus tournée en faveur des salariés... je pense que lorsqu'on a dit ça, on a à peu près tout dit...
Pour finir le salaire et les conditions proposés par la "vraie boite" (concrètement, un salaire 3,7k au-dessus du salaire moyen de mon école, 5,7k au-dessus du plus gros salaire proposé en SSI, et 10k au dessus du plus bas salaire proposé, avec une prime annuelle qui peut atteindre l'équivalent d'un mois de salaire, et sous convention métallo, dans une boite en province) Ces expériences ont fini de me convaincre que les SSII étaient vraiment des marchands de viande, pour rester poli... Vous l'aurez compris, j'ai signé dans la "vraie boite"...après avoir décliné pas moins de 3 propositions écrites de SSII, le tout avant la fin de mon stage de fin d'études...
Je dois bien avouer que l'étape "refus des offres des SSII" a eu quelque chose d'assez jouissif... Le groupe qui m'a embauché a une filliale "service" (en mode SSII donc). Lorsqu'ils me demandaient qui m'avait embauché, je donnais le nom du groupe, et ils me répondaient ah xxx (le nom de la filliale service du groupe), alors que non, je suis embauché dans l'une des filliales "classiques" du groupe... en tout cas, une fois le nom du groupe donné, ils ne cherchaient même pas à négocier, je pense qu'ils ont conscience des salaires de misère qu'ils proposent...
Je suis bien content d'avoir réussi à éviter l'étape SSII, souvent présentée comme incontournable pour les ingénieurs en informatique fraichement diplômés.