A la fin de ses études à l’EPITA en 1999, Philippe Humeau a créé la société NBS System. Pendant 7 ans, elle réalise essentiellement des tests d’intrusions et des audits de sécurité, avant d’ouvrir un département Infogérance en 2006. Depuis, NBS System infogère également plus de 2000 sites de E-commerce en PHP et en Java. Philippe Humeau est également le co-organisateur de la ZendCon Europe qui aura lieu du 18 au 20 novembre à Paris. L'occasion de revenir avec lui sur cet évènement majeur dans l'écosystème PHP et de faire un point sur la technologie.
Developpez.com : Comment présenter ZendCon Europe à ceux qui ne connaitraient pas l'évènement ?
Philippe Humeau : C’est l’import d’une conférence à succès américaine qui se déroule depuis 10 ans en Californie. Le format est très atypique en Europe, grande conférence, speaker de très haut niveau (dont les auteurs de PHP eux-mêmes), sur plusieurs jours, dans un hôtel haut de gamme. Cependant, aux US, c’est un format très répandu. Beaucoup de personnes en Europe demandaient que la ZendCon soit présente pour fédérer le milieu business PHP Européen, c’est chose faite.
Developpez.com : Le prix du billet est assez élevé (plus de 400 Euros). Quelle population ciblez-vous et comment justifiez-vous ce prix ?
Philippe Humeau : Le programme en premier lieu est exceptionnel. Nous aurons sur scène des légendes vivantes du Web, avec Andi Gutmans et Zeev Suraski. Par ailleurs, nous aurons les fondateurs de Symfony, un framework PHP très en vogue. Les annonces exclusives et les keynotes à elles seules attirent déjà les visiteurs qui ont fondés leur business sur PHP. Nos speakers viennent du monde entier et nous les invitons évidemment.
PHP : « un écosystème Business très fructueux »
PHP est derrière 80% des sites web dans le monde. E-commerce, CMS, ERP, CRM, ce langage est partout et un grand nombre d’agences vivent exclusivement de leur travail autour de ce langage. Certaines font des dizaines de millions d’euros de CA. C’est donc un écosystème Business très fructueux qui se retrouve, avec clients et fournisseurs, créateurs d’outils ou animateurs de communautés.
Le coût s’explique également car nous organisons la conférence dans le prestigieux Marriott Rive Gauche, sur 3 jours. Tout y est intégré, repas, petits déjeuner, collations, Wifi, etc. Des surprises sont également prévues, du fun avec une after party et beaucoup de networking professionnels, ainsi que des « tutorials », les cours pour se former avec les meilleurs. C’est donc une conférence prémium pour un public international, à qui nous allons en donner pour son argent.
Developpez.com : Quelles sont les deux ou trois sessions stars (conf, tutos) qu'il ne faudra absolument pas rater ?
Philippe Humeau : Andy Gutmans, Zeev Suraski (Auteurs de PHP et fondateurs de Zend) et Fabien Potencier (Symfony) nous ferons l’honneur de leurs présences sur scène au travers de plusieurs Keynotes. J’animerai l’une d’elle avec ces trois intervenants, autour du thème « Avenir de PHP dans le monde du business », où ces trois visionnaires partageront leurs idées et opinions avec nous.
« Il existe une espèce de plafond de verre : dans certains volets business, on ne voit pas PHP. Il faut que le langage progresse [...] »
Apigility sera aussi une belle conférence, on attend peut être une annonce de Symfony et les conférences de Google, Amazon et Microsoft vaudront le détour. Mais très honnêtement, nous avons eu plus de 200 papiers et on en a sélectionné très peu, autant vous dire que notre « conference Master » a sélectionné les meilleurs des cinq continents.
Developpez.com : En tant qu’observateur privilégié et expert, comment - d'après vous - se porte PHP dans le monde (popularité, nouveaux frameworks comme Symfony 2, etc.) ?
Philippe Humeau : Le PHP, d’après une étude de Google, est derrière 80% des sites Web. Ce n’est plus une domination, c’est un quasi-monopole. Le milieu est puissant, l’opensource renforce très souvent les outils en leur donnant une longévité et une ouverture imbattable. Des succès incroyables se sont bâtit sur PHP, comme Magento ou des Web agencies, mais surtout, des géants comme Facebook ne repose que sur PHP pour leurs sites.
Cependant, il existe une espèce de plafond de verre et dans certains volets business, on ne voit pas PHP. Il faut que le langage progresse en performances et en rigueur pour pouvoir aller toucher certaines sphères réservées à Java ou au C++. Des langages comme Python ou Ruby sont aussi en forte progression, PHP doit donc se défendre, même si ces langages n’ont pas toujours exactement les mêmes buts.
Symfony est une roquette qui propulse de plus en plus de sites et convainc des leaders d’opinion et des architectes de renom. Cette aventure est aussi la démonstration du savoir-programmer à la Française et d’une activité bouillonnante.
Developpez.com : Que dites-vous à ceux qui le voient encore comme « un langage de bidouilleurs », peu ou pas adapté aux applications critiques et à l'entreprise ?
Philippe Humeau : Que Facebook fait tourner un milliard de comptes et plusieurs centaines de millions de connectés par jour. Ça c’est pour la scalabilité et la sécurité. Pour ce qui est de la qualité de code, c’est un outil PHP. À la différence de langage compilés, plus stricts disons, il ne vous bloquera que peu, même si vous faites n’importe quoi. Cependant, des framework comme Symfony ou Zend Framework 2 sont la preuve que l’on peut faire des choses élégantes et complexes avec PHP.
« Il y a autant de différence entre un expert PHP et un bidouilleur qu’entre Sebastian Vettel et madame Michue en R5 diesel »
Le bidouilleur peut utiliser PHP, certes, cela n’empêche pas les experts de l’utiliser à un tout autre niveau. Il y a tout autant de différence entre un expert PHP et un bidouilleur qu’entre Sebastian Vettel et madame Michue et sa R5 diesel.
Philippe Humeau, PDG de la société NBS et co-organisateur de la ZendCon Europe
Developpez.com : Comment voyez-vous les intrusions, côté serveur, du JavaScript (avec Node.js) qui vient marcher sur les terres traditionnelles du PHP ? Et côté Front des Frameworks MVC ? Sont-elles de nature à concurrencer sérieusement le PHP ?
Philippe Humeau : Je pense que ces outils sont formidables. Node.js, Angular et d’autres encore ne font pas tant que cela concurrence à PHP, ils fluidifient le Web, déporte de l’effort coté client et se repose de toute manière sur un core PHP à un endroit ou à un autre. Et le marché du PHP n’est pas que dédié au front Web, mais aussi de plus en plus à la gestion d’autres briques disposées plus en aval, dans le système d’information CRM, ERP, etc.
Developpez.com : Dernière question plus économique. Le PHP est une technologie particulièrement concernée par « l'Offshoring » (sous-traitance des projets en Inde, Chine, etc.) et par le « Nearshoring » (sous-traitance en Europe du Sud et au Maghreb). Ce qui n’est pas sans conséquence sur le marché du travail. Comment analysez-vous les opportunités et l'évolution de l'emploi (types de postes, rémunérations, etc.) autour du PHP en Europe et plus particulièrement en France ?
Philippe Humeau : Oui, c’est vrai, le near et le offshore sont plus des aspects marginaux. Mais pourquoi un Indien ou un Ukrainien sont si attirants ?
« Combien connaissez-vous de Français, qui programment très bien et qui sont très bien payés ? […] Redorons le métier, formons des personnes fières d’être des programmeurs experts »
Ce n’est plus qu’une question de prix sincèrement, on voit que le niveau moyen des programmeurs des pays très développés est souvent moins élevé en moyenne que celui de ces pays. Alors peut être aussi devrait on se poser la question du salaire ? Pour un Ukrainien, un salaire de programmeur confirmé dans son pays lui permet de vivre comme quelqu’un qui gagnerait 70 K€ en France. Aux US, les développeurs stars sont payés 100 K$ ou plus. Combien connaissez-vous de Français qui programment très bien et qui sont très bien payés ? À force de payer ces profils en dessous du marché, on leur a donné une envie : devenir chef de projet ou autre chose pour monter dans la hiérarchie et en salaire. Ce comportement a été largement amplifié par les SSII qui vendent de profils au J/H et mette du stagiaire en batterie pour générer du code low cost. Peu de perspectives d’avenir d’un côté pour les bons développeurs et des concurrents très bons et moins chers…
Redorons le métier, formons des experts, des blackblets, des personnes fières d’être des programmeurs, et là on verra une différence. C’est en parti le but de la ZendCon, former et amener au meilleur niveau. D’ailleurs, si vous regardez nos intervenants, ils sont Anglais, Belges, Américains, Australiens, Français, ce ne sont pas des pays d’off ou de nearshoring et pourtant ce sont parmi les meilleurs mondiaux. Le potentiel est donc bien là, mais très mal exploité et très mal valorisé.
« Le "bidouilleur" qui n’a jamais appris la POO […] a terni l’image du milieu »
Un développeur PHP n’est pas moins compétent structurellement qu’un Java ou un C++, mais le « bidouilleur », qui n’a jamais appris la POO et les mécanismes des MVC, des frameworks et les bests practices a terni l’image du milieu. De manière générale, je crois au concept de Développeur qui est multi-langages. Le Développeur (au sens noble) développe un produit, un projet, un service en choisissant le langage comme un outil pas dogmatiquement. PHP quand c’est le plus adapté, Python ou du C++ quand cela se justifie.
Inscriptions au ZendCon Europe, du 18 au 20 novembre à Paris