En marge de notre dossier d’actualité sur l’affaire PRISM, voici la traduction du verbatim de la déclaration d’Edward Snowden. Cette déclaration a été faite le vendredi 12 juillet lors d’une conférence de presse de 45 minutes à l’aéroport de Moscou.
Il y donne sa vision des faits, revient sur son périple, les différentes étapes de l'affaire et sur le comportement des alliés militaires occidentaux des États-Unis, et plus particulièrement de la France (sans la nommer). Il y explique enfin comment il entend rejoindre sa terre d'asile, a priori le Venezuela.
Il y donne sa vision des faits, revient sur son périple, les différentes étapes de l'affaire et sur le comportement des alliés militaires occidentaux des États-Unis, et plus particulièrement de la France (sans la nommer). Il y explique enfin comment il entend rejoindre sa terre d'asile, a priori le Venezuela.
« Bonjour,
Je m’appelle Edward Snowden. Il y a un peu plus d’un mois, j’avais une famille, une maison au paradis et je vivais dans un très grand confort. J’avais aussi la capacité, sans aucun mandat, de chercher, de saisir et de lire toutes vos communications. Celles de n’importe qui, n’importe quand. J'avais le pouvoir de changer le sort des personnes.
C’était aussi une grave violation de la loi. Les 4e et 5e amendements de la Constitution de mon pays, l’article 12 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen ainsi que de nombreux accords et traités interdisent un tel système de surveillance massive et omniprésente. Mais bien que la Constitution Américaine qualifie ces programmes d’illégaux, mon gouvernement explique qu’un jugement d’un tribunal secret, que personne ne peut voir, a légitimé ces pratiques illégales. Ce jugement corrompt purement et simplement la notion fondamentale de Justice, notion selon laquelle pour réellement exister la Justice doit être appliquée dans les faits. L’immoral ne peut être rendu moral par une loi secrète.
Je crois au principe établi à Nuremberg en 1945 : « Les individus ont un devoir international qui transcende les obligations nationales d’obéissance. Il en découle que les citoyens ont le devoir de violer leurs lois domestiques pour empêcher que des crimes contre la Paix et contre l’Humanité ne puissent être perpétrés ».
Par conséquent, j’ai fait ce que j’ai cru bon. J’ai lancé une campagne contre ces mauvaises pratiques. Je n’ai pas cherché à m’enrichir. Je n’ai pas cherché à vendre des secrets américains. Je n’ai passé aucun accord avec un gouvernement étranger pour garantir ma sécurité. À la place, j’ai rendu public ce que je savais, pour que ce qui nous touche tous puisse être débattu par nous tous, à la lumière du jour. J’ai voulu un monde de Justice.
Cette décision morale de parler au grand public de ces pratiques d’espionnage m’a coûté très cher, mais c’était la chose à faire et je ne regrette rien.
Depuis, le gouvernement américain et ses services de renseignements ont essayé de faire de moi un exemple, un avertissement pour tous ceux qui seraient tentés de parler à leur tour. J’ai été rendu apatride et traqué pour m’être exprimé politiquement. Les États-Unis d’Amérique m’ont mis sur la liste des personnes interdites de vol aérien. Ils ont demandé à Hong-Kong de m’extrader, en dehors du cadre juridique qui s’applique dans ce pays, et en totale violation du principe de non-refoulement des Nations-Unis. Ils ont menacé de sanctions des pays qui étaient prêts à défendre mes droits et le système d’asile reconnu par l’ONU. Ils ont même franchi une étape, sans précédente, en donnant l’ordre à une puissance militaire alliée de forcer l’avion d’un Président d’Amérique Latine à atterrir pour y chercher un réfugié politique. Cette escalade dangereuse n’est pas qu’une menace contre la dignité de l’Amérique Latine, c’est une menace contre le droit fondamental, partagé par toutes les personnes et par toutes les nations, de vivre sans être persécuté, de pouvoir demander un asile et d’en bénéficier.
Malgré tout, devant cette agression historique et disproportionnée, un peu partout dans le monde, des pays m’ont proposé soutien et asile. Ces nations, parmi lesquelles la Russie, le Venezuela, la Bolivie, le Nicaragua et l’Équateur, ont toutes ma gratitude et mon respect pour avoir été les premières à se lever contre ces violations des Droits de l’Homme perpétrée par des puissants, et non par des faibles. En refusant d’abandonner leurs principes devant les intimidations, ils ont gagné le respect du monde. J’ai l’intention de voyager dans chacun de ces pays pour exprimer mes remerciements personnels à leurs peuples et à leurs dirigeants.
J’annonce aujourd’hui que j’accepte officiellement toutes les offres de soutien et d’asile qui m’ont été faites, et toutes celles qui pourront m’être faites dans le futur. Avec, par exemple, la proposition du Président du Venezuela, M. Maduro, mon statut de réfugié est désormais officiel. Aucun état n’a donc le droit ni de limiter ni d’interférer avec mon droit de bénéficier de cet asile. Mais comme nous l’avons vu, certains gouvernements d’Europe Occidentale et d’Amérique du Nord ont démontré leur volonté d’agir en dehors des lois. Ce comportement persiste aujourd’hui et ces menaces illégales me rendent impossible tout voyage vers l’Amérique Latine pour bénéficier de l’asile politique qui m’y a été accordé dans le respect de nos droits universels.
Cette volonté d’états puissants d’agir hors des lois représente une menace pour nous tous, elle ne doit pas être couronnée de succès. Par conséquent, je demande votre assistance (N.D.L.R. : aux associations) pour me garantir un chemin sûr par les pays concernés en sécurisant mon voyage vers l’Amérique Latine. Je demande également l’asile à la Russie jusqu’à ce que ces états respectent la loi et que mon voyage, légal, soit permis. Je vais soumettre ma requête à la Russie aujourd’hui en espérant qu’elle soit accueillie favorablement.
Si vous avez des questions, j’y répondrai autant que je le peux.
Merci. »
La déclaration ci-dessus – reproduite ici comme source du dossier d’actualité du dossier PRISM – a été initialement publiée sur le site de WikiLeaks.
Le site lui a adjoint une introduction dans laquelle il précise que plusieurs associations étaient présentes - dont Human Rights Watch et Amnesty International – pour échanger avec l’ingénieur système.
Voici ce qu’ajoute WikiLeaks :
Le site lui a adjoint une introduction dans laquelle il précise que plusieurs associations étaient présentes - dont Human Rights Watch et Amnesty International – pour échanger avec l’ingénieur système.
Voici ce qu’ajoute WikiLeaks :
« Le représentant de Human Rights Watch a saisi l’opportunité des questions réponses pour dire à M. Snowden qu’elle avait été contactée par téléphone, lors de son trajet vers l’aéroport, par l’Ambassadeur américain en Russie. Celui-ci lui a demandé de faire savoir à M. Snowden que le gouvernement américain ne le classait pas dans la catégorie des « donneurs d’alerte » et qu’il avait violé les lois des États-Unis ».
WikiLeaks y voit « une preuve supplémentaire de la persécution de M. Snowden par les États-Unis ».
Et vous ?
Source : déclaration intégrale d’Edward Snowden, en anglais via WikiLeaks
Traduction française par Gordon Fowler, libre de droit.