D’un côté, la Fondation Mozilla. Organisme à but non lucratif de type associatif, elle a pour but de promouvoir l’ouverture et l’universalité des technologies Web (et mobiles) ainsi que le respect de la vie privée et du choix des utilisateurs.
Mozilla vient de se faire « redresser » par le FISC américain et devra payer des taxes sur ses revenus, alors qu’elle les jugeait pour sa part non-imposables, car non commerciaux.
Pour mémoire, l’entité qui soutient les projets Firefox, Thunderbird et le futur Firefox OS tire le principal de ses revenus du moteur de recherche par défaut de son navigateur. En l’occurrence de Google, qui paye une redevance à Mozilla pour être intégré à Firefox.
Le dénouement n’est pas catastrophique pour Mozilla. La fondation avait en effet provisionné 15 millions de dollars en 2007 et a passé un accord avec les autorités fiscales américaines pour en débourser 10 fois moins. Mais il entérine la fin d’un statut acquis en 2003 qui lui permettait d’être exonérée et de consacrer toutes ses ressources à ses projets.
De l’autre côté, les stratégies d’évasions fiscales – que tous les grands acteurs du secteur IT à but lucratif utilisent – sont revenues depuis quelques jours dans le feu des projecteurs.
La semaine dernière, Google était sur le devant de la scène médiatique – et dans le collimateur du gouvernement français. Depuis ce week-end, c’est au tour d’Apple suite à un article du Sunday Times. Article qui souligne à nouveau que les éditeurs commerciaux « optimisent » leurs impositions avec des techniques éprouvées. Ce que les autorités qualifient de moins ne moins d’optimisation et de plus en plus « d’évasion ».
Ces techniques portent des noms exotiques comme le « Sandwich Hollandais » ou le « Double Irlandais » et sont tout à fait légales. Mais de moins en moins morales et acceptées par les acteurs politiques en période de crise.
Comment fonctionnent ces techniques ?
Concrètement, une entreprise Z, basée aux Etats-Unis, mandate une entreprise Z2, basée dans un paradis fiscal (Bahamas, Bermudes, Seychelles, Jersey, etc.) pour vendre sa propriété intellectuelle à l’international. Z2 est bien évidemment créée de toutes pièces par Z.
En échange, Z2 – qui vu sa localisation ne paye pas d’impôt sur les sociétés - verse une redevance à Z. La redevance est fixée la plus basse possible car ces revenus, qui retournent sur le sol américain, seront imposés.
Deuxième étape, Z2 ouvre une entité en Europe : Z3. Cette holding Z3 gère au jour le jour la propriété intellectuelle de Z2 pour toute la zone EMEA, souvent depuis l’Irlande. En échange, Z3 verse une redevance à Z2. Mais cette fois-ci, ces revenus sont les plus élevés possibles pour diminuer les montants imposables en Irlande.
Pourquoi l’Irlande ? Un peu pour le faible impôt sur les sociétés comparé aux autres pays du continent. Mais cet impôt ne concernera que le reliquat qui ne sera pas reparti aux Bermudes. Beaucoup, parce que la verte Erin permet ce transfert de Z3 vers Z2 sans aucune taxe. A une condition : que le transfert ne se fasse pas directement hors de l’Europe depuis son territoire.
C’est là qu’entre en jeu le « Sandwich Hollandais » pour optimiser encore plus le processus.
Ice Cream Sandwich, sauce Hollandaise
Si Z3 crée une société en France, le flux ne sera pas imposé en Irlande, mais il le sera selon les règles de Bercy. Aucun intérêt.
En revanche, la Hollande, elle, est beaucoup moins regardante sur les transferts hors UE. Et pour cause. Il existe en effet un accord de défiscalisation entre les Pays-Bas et les Antilles néerlandaises qui permet de faire transiter les bénéfices des entreprises du premier vers le deuxième sans les imposer.
Depuis l’Irlande, Z3 crée donc une coquille vide Z4 aux Pays-Bas et lui verse ses bénéfices. Z4 n’a plus qu’à reverser la totalité des bénéfices à Z2, aux Bermudes, en bénéficiant de l'exception batave.
Et la maison mère Z dans tout cela ? Elle ne paye ses impôts que sur son chiffre d’affaires domestique (de préférence dans un Etat fédéral à faible imposition), laisse le gros de son trésor de guerre à l’étranger et attend une « fenêtre de tir » - comme une amnistie fiscale - pour le rapatrier dans ses caisses.
Résultat ?
Résultat, 2.000 milliards de dollars – dont beaucoup de l’IT - dormiraient hors des Etats-Unis où ils auraient normalement dû être imposés.
Et la fondation Mozilla, à but non lucratif, paye la totalité de ses impôts. Elle.
Source : Mozilla
Sélection d'articles sur l'optimisation fiscale :
New York Times
Bloomberg
Le Nouvel Obs