Au-delà des discours enthousiastes de circonstance entre les deux sociétés, le choix de Vinci de migrer vers Office 365 pose des questions très intéressantes pour l’évolution du SaaS (logiciels à la demande).
Revenons tout d’abord sur le contexte. Le géant de la construction, de la concession et de l’énergie (180.000 collaborateurs dans le monde) a grandi en partie comme de nombreuses multinationales par des rachats de sociétés.
De cette croissance externe, le groupe a hérité d'un système d’information complexe et hétérogène. En fait un agrégat des systèmes historiques de ses acquisitions.
Le groupe a néanmoins décidé, il y a environ un an, de mettre de l’ordre et d’unifier le tout. Le défi est de taille puisque l’entreprise est présente dans 130 pays et compte pas moins de 2500 « business units ».
Pour mener ce chantier, le Board charge alors Bruno Dupety – qui n’est volontairement pas un expert IT - de diriger un comité de pilotage et de mener une consultation. Son constat est clair. Il faut certes mettre de l’ordre, notamment en créant un annuaire centralisé, mais il faut aussi aller plus loin pour répondre aux besoins des opérationnels métiers. « Le « travailler ensemble » devient central », conclut-il.
Lors de la présentation de cet accord avec Microsoft, Bruno Dupety a illustré très concrètement son propos par des exemples de chantiers où échanger des documents, travailler à plusieurs sur des plans ou des dossiers d’appels d’offres est devenu indispensable.
Un autre constat émerge de sa consultation. La création de communautés d’expertise – comprendre des groupes de discussions entre spécialistes internes d’un même domaine (en ponts, en ouvrages d’art, en marketing, etc.) éparpillés partout sur la planète – est également un axe stratégique à explorer pour faciliter la diffusion des savoirs des collaborateurs de l’entreprise.
En clair, avec ce cahier des charges, Bruno Dupety doit trouver une solution qui unifie son SI en s’appuyant sur un annuaire toiletté et unifié, qui permette le travail collaboratif, et qui propose un Facebook d’entreprise.
Trois sociétés répondent à son appel d’offres. IBM, Microsoft et Google. Chaque candidature amenant « des réponses très différentes », se souvient-il.
Parmi les critères de choix, Bruno Dupety regarde évidemment le prix (et ne se prive pas de faire jouer la concurrence pour les faire baisser) mais c’est un autre point qui va se révéler déterminant.
« Niveau messagerie, les offres étaient presque identiques. Pour la communication unifiée, Microsoft avait une longueur d’avance avec Lync. IBM était lui plus réactif sur le réseau social et Google proposait la solution de migration la plus rapide », résume Bruno Dupety.
Mais c’est le mode hybride qui a en grande partie fait pencher la balance entre ces Clouds.
Pourquoi ?
Parce que « la confidentialité a été un élément discriminant dans notre choix », explique le responsable de Vinci à Developpez.com. « Quand vous travaillez sur des chantiers avec le Ministère de la Défense, il y a des documents qu’on ne peut pas sortir comme cela de l’entreprise ».
Autrement dit, ces documents doivent rester disponibles aux collaborateurs, mais sur les serveurs de l’entreprise et pas dans un Cloud public. Fût-il protégé par des contraintes légales.
Bref, la confidentialité importe encore. La confidentialité et le hors-ligne.
« Une solution 100% Cloud ne permet pas de travailler dans certaines conditions. Nous avons des chantiers en Afrique où nous ne sommes pas en capacité de nous connecter à un réseau », ajoute en effet le responsable du projet.
Le sur-site déconnecté (l’applicatif traditionnel donc) n’est pas encore mort et enterré pour tout le monde. Même dans le cadre d'une migration vers le SaaS.
Le nouveau SharePoint dans l'offre Office 365
Il ne s’agit pas ici de tirer la conclusion qu’Office 365 serait un meilleur produit que les Google Apps For Business. Une étude de cas de sociétés dans d’autres secteurs (Jardiland, Essilor, BBVA ou l’ESSEC par exemple) montrerait que la grande simplicité des Google Apps (100% Cloud, pas de serveurs à gérer, une seule licence et un seul prix, etc.) est aussi un facteur de choix.
Mais ce choix de Vinci et l’explication du responsable qui a chapeauté le Comité de Pilotage montrent que la question de la confidentialité et du contrôle de ses données n’est pas une problématique si désuète que cela.
L’avis de Google – et sa proposition lors de cet appel d’offre - sont évidemment différents.
Pour l’éditeur 100% SaaS, les questions du Cloud hybride et de la confidentialité « ont été mises sur la table par des sociétés qui voulaient freiner le marché ». En substance, seules les entreprises « du passé » seraient encore inquiètes de migrer vers le Cloud public. Même si – rappelons-le – Google s’engage contractuellement à respecter cette confidentialité.
Quant à la connexion permanente au Web, elle serait déjà quasiment acquise. « L'Internet est devenu une commodité au même titre que l'électricité et l'eau en quelque sorte », nous déclarait Laurent Lasserre, Directeur Commercial Google Entreprise France.
Une vision qui peut parfaitement se défendre.
Mais ce contrat sur 90.000 boites remporté par Microsoft repose tout de même ces questions du Cloud privé et du hors-ligne. Car a bien y regarder, Bruno Dupety et les exigences de Vinci n’ont pas vraiment l’air d’être dépassés. Pas du tout même.
Source : Conférence de Presse, 18/09/2012
Et vous ?
La confidentialité et le "sur site" sont-ils pour vous encore discriminants dans le choix d’une solution SaaS ?
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