Linus Torvald vient de recevoir de l’Académie des Sciences de Finlande le prix Millennium Technology, doté de 600.000 euros, pour l’ensemble de son œuvre sur le noyau Linux. Un noyau qu’il a inventé et qu’il n’a, depuis, jamais cessé de maintenir avec l’aide d’une communauté de plus en plus nombreuse.
Ce prix a été l’occasion pour l’informaticien finlandais (désormais américain) de donner une interview à la BBC. Comme à son habitude, le technique y côtoie la provocation.
Il le concède d’ailleurs lui-même, son tempérament asocial explique en partie un mauvais caractère légendaire. Mais il lui permet également de travailler sérieusement depuis chez lui, entouré de sa famille, sans être distrait de son noyau.
Un noyau plus complexe qui, bien qu’ayant de plus en plus de contributeurs, a créé de nouvelles barrières. Il serait en effet beaucoup plus difficile qu’il y a quinze ans de participer au cœur du projet. « Les gens deviennent vite très nerveux quand quelqu’un qu’ils ne jugent pas comme très expérimenté commence à publier des patch - très complexes - pour le cœur du code, comme par exemple pour le sous-système de virtualisation ». En revanche, pour les couches moins critiques, s’investir resterait chose très facile.
Autre sujet abordé avec la BBC, Linus Torvalds souligne l’importance de la confiance. Ce qui explique qu’il n’ait jamais travaillé pour un éditeur spécialisé dans Linux. Il aurait alors sur le champ été suspecté par les développeurs de « rouler » pour une société et aurait cassé le lien avec la communauté.
Une communauté forte, qui a permis à Linux de percer sur mobile, sur serveur ou dans l'embarqué... mais pas sur desktop. Son créateur voit pourtant une opportunité historique se profiler avec l’arrivée de navigateurs de plus en plus puissants qui remplacent au fur et à mesure les OS sur lesquels ils tournent (comme Chrome et Chrome OS). Ceci étant, la problématique actuelle resterait économique : pour percer, « il faut être préinstallé sur les machines vendues ». Et aucun acteur ne veut, d’après lui, prendre ce risque. « Comprenons-nous bien, je n’ai pas dit que c’était une chose facile », précise Linus Torvalds qui ne jette donc pas la pierre aux constructeurs.
Mais le plus intéressant dans cet entretien avec la chaîne britannique est ailleurs.
Il concerne les motivations profondes qui poussent des communautés entières de développeurs à s’investir, souvent gratuitement, dans Linux.
Question à laquelle Linus Torvalds répond en un mot : le narcissisme.
« Je pense en fait que la vraie idée autour de l’open-source n’est pas d’amener les gens à participer à la création d’un bien commun, c’est de leur permettre à tous d’être "égoistes" […] Je ne vois pas l’open-source comme un truc à la "asseyions nous autour d’un feu de camp pour chanter Kumbaya et rendons le monde meilleur". Non, l’open-source ne fonctionne que si tout le monde contribue pour des raisons égoïstes. Et l’égoïsme ne passe pas nécessairement par l’argent ».
Linus Torvalds s’inclut dans cette explication. Pour lui, faire le premier noyau Linux n’était que la conséquence d’un plaisir - égoïste - de bricoler du hardware, de le comprendre, et de faire tourner une couche de software par-dessus.
Sa motivation pour poster le résultat sur Usenet en 1991 était la même. « C’était simplement une manière de dire "Hé ! Regardez ce que j’ai fait !". Ce n’était définitivement pas en espérant que les gens allaient m’aider dans ce projet ».
De là à dire que Linus Torvalds projette sa manière de fonctionner personnelle sur les autres participants, voici une question que nous vous laisserons trancher.
Shinya Yamanaka et Linus Torvalds, photo de la Technology Academy Finland
Pour la petite (grande ?) histoire, Linus Torvalds a partagé son prix avec le professeur de médecine japonais Shinya Yamanaka, chercheur sur l'induction des cellules souches pluripotentes et la reprogrammation des cellules somatiques.
Source : BBC
Et vous ?
Participez-vous à des projets open-source par "égoïsme" ? Ou pensez-vous que Linus Torvalds projette ses motivations sur les autres développeurs ?
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Pas grâce à l'altruisme, Linus Torvalds ajoute l'importance de la confiance
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Le , par Gordon Fowler
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