Afin de doter la France des compétences nécessaires pour faire face aux attaques contre les systèmes d'information de l'État et des entreprises, le Gouvernement a récemment décidé de développer la formation supérieure en sécurité des systèmes d'information.
Il n’en reste pas moins que le sujet resterait, dans le pays, largement sous évalué.
"La société numérique est en marche et nul retour en arrière n’est possible ni même envisageable. La sécurité des infrastructures pose de ce fait un défi majeur. Tant pour les Etats et les administrations que pour les entreprises", écrit Eric Filiol, directeur de la recherche à l’ESIEA dans une tribune libre, "quoiqu’en disent les décideurs, en particulier en France, les spécialistes en sécurité sont devenus une denrée rare et courtisés au niveau mondial. Le retard de notre pays dans ce domaine est patent".
D’après l’expert en cyber-sécurité, ce retard ne tiendrait pas aux manques de compétences des professionnels de l’IT français mais bien au trop faible nombre de personnes formées. Ou disponibles.
Le problème devrait même empirer. Toujours d’après Eric Filiol, les grands acteurs voient de plus en plus, et à juste titre, la sécurité informatique comme un problème majeur. Cette prise de conscience provoque une demande croissante et donc une pénurie accrue.
D'autant plus que "des grandes sociétés américaines, telles que Google, Apple…, commencent à chasser et à piller des sociétés – on peut citer HSC Consulting ou Sogeti – incapables de rivaliser avec les salaires proposés. D’où une hémorragie inquiétante de ressources rares et tout cela dans un environnement où les attaques vont croissant et gagnent en sophistication".
Que faire pour remédier à cette situation ?
Eric Filiol préconise d’aller chercher les ressources là où elles sont. C’est à dire chez les hackers "qu’on a tendance à diaboliser à l’excès".
"Contrairement à l’idée reçue ce terme ne désigne en aucun cas une personne dotée de mauvaises intentions, contrairement au pirate informatique", précise-t-il dans sa tribune. "Le terme de hacker désigne toute personne capable d’analyser en profondeur un système […] Un hacker, par définition, n’hésite pas à s’écarter de toute forme d’orthodoxie en particulier technique et scientifique pour parvenir à ses fins". Ce qui lui donnerait mauvaise réputation.
Si certains pays comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni ont déjà compris l’intérêt de ces profils, la France, elle, entretiendrait toujours la confusion entre hackers et pirates avec, dans un futur proche, des conséquences fâcheuses. "L’Allemagne a […] su mieux ou moins mal anticiper la pénurie gravissime qui s’annonce. Mais elle a su aussi ne pas sacrifier les valeurs fondamentales qu’exigent les métiers de la sécurité informatique : éthique et loyauté. […] Or cela la France ne sait pas le faire : la politique de la main de fer dans un gant de velours lui est totalement étrangère".
Résultat, la France "accuse un retard catastrophique que l’on peut évaluer à au moins 20 ans (par exemple par rapport à l’Allemagne)".
Eric Filiol appelle donc de ses vœux un changement profond de mentalité. Pour lui, la sécurité numérique du pays passera par le développement de mouvements de hackers, et par des lois qui ne freinent pas leurs activités comme ce serait trop le cas aujourd'hui. Mieux, les décideurs économiques et politiques devraient, d'après lui, les soutenir.
"A l’étranger les plus grandes conférences de hacking sont sponsorisées par les très grosses sociétés de logiciels ou de services (Google, Microsoft, Oracle…) et, quelquefois, avec le soutien des Etats (par exemple la célèbre conférence Hack.lu au Luxembourg)", note-il. "En France, on est encore, hélas, dans un monde d’anciens qui administrent mais ne comprennent rien à la technique et les jeunes hackers qui maîtrisent mais n’administrent pas. Cette fracture n’est plus tenable".
Pour l’anecdote, les services secrets britanniques ont récemment publié une annonce d’emploi spécialement destinée aux hackers. Pour postuler, le candidat devait déchiffrer un code sur le site justement nommé "Can You Crack It ?".
Pouvez-vous le cracker ?
L’initiative reste anecdotique, surtout depuis que la solution au problème a été rendue publique par le Dr Gareth Owen de l’Université de Greenwich. Mais elle va dans le sens des propos d’Eric Filiol et semble illustrer un mouvement en cours. Un mouvement que la France serait en train de louper ?
Source : "Cyberguerre, le retard français", de Eric Filol
Et aussi :
Can You Crack It ?
Solution du Dr Gareth Owen de l’Université de Greenwich
Et vous ? :
Pensez-vous que la France prend du retard dans le domaine de la sécurité informatique ?
Et que les hackers sont trop peu considérés par les professionnels français de l'informatique ?
Sécurité : "La France accuse un retard d'au moins 20 ans par rapport à l'Allemagne"
Un expert appelle à reconsidérer les hackers
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Le , par Gordon Fowler
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