Amazon aurait l'intention d'ajouter un filtre de contenu à une application de messagerie interne en cours d'élaboration. L’objectif : interdire l’usage de mots ou d’expressions qui reflètent les conditions de travail de l'entreprise ou qui ont trait à l'organisation d'un syndicat. L’information est de l’ordre du plausible quand on sait que l’entreprise paie ses employés pour anéantir les efforts de syndicalisation.
Une fois le filtre en place, l'application devrait bloquer ou signaler les messages contenant des mots ou expressions tels que syndicat, travail forcé, grève, salaire décent, maître, esclave, injustice, éthique, diversité, équité, augmentation de salaire, etc. Une source au fait de la situation a déclaré que les cadres d'Amazon se sont réunis en novembre 2021 pour discuter de la création d'une plateforme de médias sociaux spécifiquement destinée aux employés. Dave Clark, responsable des activités mondiales de consommation d'Amazon, aurait suggéré que l'application offre une expérience sociale individuelle, comme l'application de rencontre Bumble, plutôt que de servir de grand centre social comme Facebook.
Elle permettrait aux employés de mettre en valeur le travail des autres en créant des messages considérés comme des cris de ralliement. Amazon intégrerait d'une manière ou d'une autre ces cris de ralliement dans son programme de "gamification" qui permet déjà aux employés de recevoir des étoiles et des badges virtuels pour leur productivité. Grosso modo, l’entreprise justifie la manœuvre par la nécessité de créer une communauté positive.
Les développements en cours sont de l’ordre du plausible, car Amazon va jusqu’à payer ses employés pour anéantir les efforts de syndicalisation. « The Offer » est le nom de la proposition de prime de démission que le géant du commerce en ligne fait à ses employés pour casser un effort de syndicalisation en début d’année dernière. L’entreprise ouvrait ainsi la porte aux tiers désireux d’aller à la quête d’un meilleur emploi sur le plan des conditions de travail. Elle leur avait donc fait la proposition de primes de démission d'au minimum 1 000 dollars. La manœuvre était destinée à saper le vote historique que ses employés avaient entamé pour s’ouvrir la porte à la syndicalisation. Elle visait à les empêcher d’y participer.
De plus, nombreuses sont les publications qui font état de ce que le géant du commerce en ligne fait usage de : logiciels de navigation, bracelets, caméras thermiques, caméras de sécurité, enregistrements. Chez Amazon, on se justifie en arguant qu’il s’agit de dispositifs destinés à encadrer la productivité des employés : « Les performances des employés sont mesurées et évaluées sur une longue période, car nous savons que divers facteurs peuvent avoir un impact sur la capacité à répondre aux attentes d'un jour ou d'une heure donnés. Nous soutenons les personnes qui ne sont pas performantes au niveau attendu grâce à un accompagnement spécifique pour les aider à s'améliorer. »
Les entrepôts d’Amazon sont automatisés et certains postes sont occupés par des robots. La société s’appuie sur un robot animé par une intelligence artificielle chargée du suivi de la productivité des employés. Ce dernier est même en mesure de générer de façon automatique les documents nécessaires au licenciement en cas de non-atteinte des objectifs. Ce seul motif a mené au licenciement de plus de 300 employés travaillant dans un des entrepôts de l’entreprise à Baltimore pendant la période allant d'août 2017 à septembre 2018.
Amazon a fait savoir que malgré le fait que le système soit en mesure de produire des documents de licenciement, l'accord d'un superviseur humain est obligatoire pour la décision finale. Dans ce cas, celle-ci est transmise à l'employé concerné par le superviseur humain. Quoi que la société puisse dire pour sa défense, ses mécanismes pour une productivité exigeante sont omniprésents dans bon nombre de ses domaines d’activité. À titre d’illustration, ses chauffeurs ont déclaré être tellement sous pression qu'ils ne prennent des pauses que devant les panneaux d'arrêt et qu'ils urinent dans des bouteilles dans les camions de livraison. Amazon intègre même des caméras connectées animées par une intelligence artificielle à ses vans de livraison pour surveiller les livreurs tout le long du parcours de livraison et ainsi connaître leur performance.
C’est une offre d’emploi mise en ligne par Amazon au cours de l’année dernière qui était venue révéler les raisons véritables de l’adoption de tous ces moyens technologiques par l’entreprise. À la recherche d’un « analyste en renseignement », elle stipulait que ce dernier a pour missions : d’espionner les efforts de syndicalisation des travailleurs et rendre compte de ses conclusions aux dirigeants de l’entreprise ; collecter des éléments pour le montage des actions en justice contre les groupes de travailleurs qui protestent contre Amazon ; etc. Des prérogatives difficiles à remplir si l’analyste ne s’appuie pas sur l’arsenal technologique évoqué.
Amazon avait fini par supprimer l’offre d’emploi en question affirmant qu’elle ne « décrivait pas de façon fidèle le poste à attribuer. » « L'offre d'emploi n'était pas une description précise du poste. C'était une erreur qui a été corrigée depuis », avait indiqué l’entreprise.
Et vous ?
Comment comparez-vous l’approche Amazon en matière de gestion des syndicats à celle en vigueur dans les entreprises pour lesquelles vous travaillez ?
Avez-vous le sentiment que les syndicats sont d’une certaine utilité dans le pays où vous travaillez ?
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Le , par Patrick Ruiz
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