La directive sur le commerce électronique de juin 2000 censée encadrer le pouvoir des géants du numérique était devenue obsolète. Le texte existait déjà avant l’émergence de la plupart des Gafam. Elle va laisser sa place au Digital Services Act – un ensemble de dispositions légales plus adapté à l’actuel contexte. Plusieurs axes de régulation sont évoqués : politiques de modération en lien avec le retrait des contenus illégaux et offensants, levée du pseudonymat, etc.
Le Digital Services Act est porté par Thierry Breton – commissaire européen au Marché intérieur et ancien ministre de l'Économie sous la présidence de Nicolas Sarkozy – et se veut être « un cadre juridique moderne pour garantir la sécurité des utilisateurs en ligne et permettre aux entreprises numériques innovantes de se développer. »
Le texte traite de régulation des réseaux sociaux sur des axes comme la contrefaçon, l’antisémitisme, la pédopornographie, les menaces de mort, la vente de drogues, etc. Le texte vient rappeler aux géants d’Internet qu’ils devront déployer plus de moyens que par le passé pour retirer ces contenus. Sur l’épineuse question du pseudonymat en ligne, le texte prévoit même que les plateformes puissent identifier et situer les internautes si nécessaire. En cas de manquement les entreprises qui opèrent sur Internet sont dans le viseur d’amendes allant jusqu’à 6 % de leur chiffre d’affaires. Elles pourraient en sus se voir interdire l’accès au marché intérieur de l’Union européenne. Grosso modo, le DSA a pour objectif de mettre un terme aux dérives qui ont cours sur la zone de non-droit qu’est Internet.
En juillet dernier, le Premier ministre français s’exprimant sur la question particulière du pseudonymat en ligne déclarait que : « Sur la question des réseaux sociaux, il y a quelque chose de choquant, c’est l’anonymat. On peut vous traiter de tous les noms, de tous les vices, en se cachant derrière des pseudonymes. Dans ces conditions, les réseaux sociaux c'est le régime de Vichy : personne ne sait qui c'est ! Je suis pour la liberté d'expression, mais si on se cache, les conditions du débat sont faussées. C'est un sujet dont il va falloir que l'on s'empare. »
La sortie du nouveau Premier ministre fait suite à celle du président français qui, au mois de février de l’année précédente, déclarait : « Moi je ne veux plus de l'anonymat sur les plateformes internet. » Il confirmait ainsi son positionnement après avoir plaidé pour une « levée progressive de tout anonymat » devant les maires réunis pour le deuxième acte du grand débat national au Palais des congrès de Souillac (Lot). Le Président français avait alors déclaré que pour améliorer la qualité de la démocratie participative, l'on « doit aller vers une levée progressive de toute forme d'anonymat » en faisant mention de « processus où on sait distinguer le vrai du faux et où on doit savoir d’où les gens parlent et pourquoi ils disent les choses ». Macron pensait déjà que cela est nécessaire étant donné qu'aujourd'hui, « on a beaucoup d’informations, tout le temps, mais on ne sait pas d’où elles viennent. »
Nombre de mesures incluses dans le DSA rappellent la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN). Si l’une des questions est de pouvoir identifier les tiers sur les réseaux sociaux, elle apporte réponse. En effet, les fournisseurs d’accès Internet connaissent bien leurs clients qui, en dehors de leur fournir des informations personnelles (identité réelle, adresse postale, coordonnées bancaires, numéro de téléphone, etc.) laissent diverses traces numériques parmi lesquelles l’adresse IP. Il vient donc que de la même façon que des tiers usent de moyens de masquer leur identité en ligne, il en existe pour leur mettre la main dessus. La loi offre tous les moyens adéquats pour remonter jusqu’à l’identité des internautes, si nécessaire. C’est peut-être la célérité dans les actions de la justice qu’il faut améliorer.
Le Digital Services Act devrait avoir plus d’écho que les lois nationales puisque poussé par les 27 États de l’Union européenne. Son entrée en vigueur pourrait prendre un an ou plus, le temps de prendre en compte les réactions des pays membres de l'UE et du Parlement européen.
Source : Reuters
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