La France et les Pays-Bas ont appelé jeudi l'Union européenne à réglementer les grandes entreprises technologiques telles que Google et Facebook. Dans une déclaration commune, le secrétaire d'Etat Cédric O et Mona Keijzer, son homologue néerlandaise, proposent la création d'une autorité de la concurrence supervisée au niveau de l'Union européenne. Ils ont déclaré qu'une telle autorité devrait être en mesure d'empêcher les plateformes d'entreprises technologiques de bloquer l'accès à leurs services « à moins qu'elles n'aient une justification objective ».
La proposition franco-néerlandaise, qui appelle à une action préventive pour empêcher les prises de pouvoir par les Big Tech, a été avancée pendant un rassemblement de ministres de l'UE durant lequel les homologues devaient s'entretenir au sujet de l'intelligence artificielle et du cloud computing.
« Ces plateformes peuvent entraver l'entrée de nouvelles entreprises et limiter la liberté de choix des consommateurs et des entrepreneurs », a déclaré Keijzer, le secrétaire d'État néerlandais aux affaires économiques et à la politique climatique.
« Notre ambition commune est de concevoir un cadre... pour traiter l’empreinte économique de ces acteurs sur l’économie européenne et être en mesure de les démanteler », a déclaré Cédric O.
Paris et La Haye ont traditionnellement des opinions divergentes sur la façon de réglementer l'industrie technologique, le gouvernement français menant la campagne pour des lois strictes contre tout, du contenu illégal aux mesures strictes de protection des données.
Les Pays-Bas ont toujours adopté une approche plus libérale, mais se sont joints à l'appel en faveur d'une application stricte des règles de concurrence pour empêcher les géants de la technologie de privilégier leurs propres services pour évincer leurs rivaux et « consolider » leur domination du marché.
Mona Keijzer a déclaré que les régulateurs devraient viser des règles qui empêchent les plateformes de devenir « trop grandes » en premier lieu. Mais a ajouté : « Le démantèlement de grandes entreprises peut être une possibilité. »
« Le démantèlement [des entreprises] est sur la table. Mais c'est le remède ultime », a déclaré Cédric O.« La France et les Pays-Bas ont des cultures différentes et ont des positions différentes. Mais nous avons un intérêt commun, du point de vue de la souveraineté, du point de vue de la concurrence à réguler les acteurs technologiques ».
En réponse, le ministre allemand de l'Économie, Peter Altmaier, a déclaré : « Ce dont nous parlons, c'est de défendre nos valeurs européennes et le fonctionnement de notre marché unique. »
La France et les Pays-Bas se sont affrontés sur d'importantes questions politiques de l'UE ces derniers mois, notamment dans quelle mesure financer le prochain budget à long terme de l'Union et le financement d'un fonds de relance Covid-19 de 750 milliards d'euros. Cependant, ils ont trouvé un accord dans d’autres domaines, notamment une pression pour des normes environnementales strictes dans les accords commerciaux de l’UE et des demandes conjointes visant à protéger le marché unique de l’Union contre les sociétés étrangères subventionnées.
Mona Keijzer a déclaré que le fait que les deux pays se sont entendus sur le sujet des technologies était un signe qu'ils étaient disposés à se rencontrer « à mi-chemin » dans leurs demandes de loi sur les services numériques. Cédric O a déclaré que la position commune sur la réglementation technologique était une indication claire du soutien des deux pays aux efforts de l’UE visant à réduire le pouvoir des grandes entreprises technologiques.
Digital Service Act
Cette sortie accroît la pression sur la commissaire Margrethe Vestager, qui prépare une nouvelle loi sur les services numériques, pour qu'elle établisse des règles strictes pour le partage des données et garantisse que les marchés soient équitables et ouverts.
En effet, les législateurs européens envisagent de définir de nouvelles règles pour les grandes enseignes numériques qui pourraient inclure de les forcer à partager des données avec de plus petits concurrents et/ou imposer des limites étroites sur la façon dont elles peuvent utiliser les données dans le but d'uniformiser les règles du jeu numériques.
Selon le brouillon, les « contrôleurs d’accès » (gatekeepers), tels que les entreprises ayant un pouvoir de goulot d'étranglement ou un statut de marché stratégique, ne seront pas autorisés à utiliser les données collectées sur leurs plateformes pour cibler les utilisateurs, à moins que ces données ne soient partagées avec des concurrents. « Les contrôleurs d'accès ne doivent pas préinstaller exclusivement leurs propres applications ni exiger des développeurs de systèmes d'exploitation tiers ou des fabricants de matériel de préinstaller exclusivement la propre application des contrôleurs d'accès », peut-on lire sur le document.
D'autres idées évoquées sont l'interdiction pour les plateformes dominantes de favoriser leurs propres services ou d’obliger les utilisateurs à souscrire à un ensemble de services, selon le brouillon du Digital Service Act (DSA, loi sur les services numériques) que les législateurs européens devraient introduire avant la fin de l'année.
Le brouillon du DSA suggère qu'il pourrait y avoir des restrictions majeures sur les infrastructures numériques clés telles que l'App Store iOS d'Apple et le Google Play Store Android, ainsi que des limites potentielles sur la façon dont la grande enseigne du commerce électronique Amazon pourrait utiliser les données des marchands vendant sur sa plateforme (notons que la Commission mène déjà une enquête sur le sujet).
La Commission indique que :
« Le nouveau package de la loi sur les services numériques devrait moderniser le cadre juridique actuel des services numériques au moyen de deux piliers principaux:
« Premièrement, la Commission proposerait des règles claires définissant les responsabilités des services numériques pour faire face aux risques encourus par leurs utilisateurs et protéger leurs droits. Les obligations légales garantiraient un système moderne de coopération pour la surveillance des plateformes et garantiraient une application efficace.
« Deuxièmement, le package de la loi sur les services numériques proposerait des règles ex ante couvrant les grandes plateformes en ligne agissant en tant que contrôleurs d’accès, qui fixent désormais les règles du jeu pour leurs utilisateurs et leurs concurrents. L'initiative devrait garantir que ces plateformes se comportent équitablement et peuvent être contestées par les nouveaux entrants et les concurrents existants, afin que les consommateurs aient le choix le plus large et que le marché unique reste compétitif et ouvert aux innovations.
« Dans le cadre d'un processus de consultation solide et actif, la Commission a lancé une consultation publique pour soutenir les travaux d'analyse et de collecte de preuves permettant de cerner les questions spécifiques qui peuvent nécessiter une intervention au niveau de l'UE. Tous les citoyens et organisations européens et non européens sont invités à contribuer à cette consultation. La consultation sera ouverte jusqu'au 8 septembre 2020. »
Source : Reuters, Cédric O
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Le , par Stéphane le calme
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