Maintenant que les activités reprennent progressivement suite à des mesures de déconfinement, l’Europe veut que les géants de la technologie paient un « montant équitable » de taxes dans son espace économique, d'autant plus qu'ils sont les « vrais gagnants » de la crise du coronavirus, a déclaré samedi un haut responsable européen à CNBC. Ses propos ont été tenus par le haut fonctionnaire européen à CNBC lors d’un forum, dans le cadre d'un désaccord persistant entre les États-Unis et l'Union européenne sur la taxation d'entreprises telles que Apple, Alphabet et Amazon.
Paolo Gentiloni, commissaire européen chargé de l'économie et de la fiscalité
« C'est un problème majeur », a déclaré Paolo Gentiloni, commissaire européen chargé de l'économie et de la fiscalité, à CNBC lors du forum de l’European House-Ambrosetti, un groupe de conseil, reconnaissant la difficulté à surmonter les différences avec les États-Unis. L'ancien Premier ministre italien a ajouté, toutefois, qu'il n'était plus possible « d'accepter l'idée que ces géants, vainqueurs de la crise, ne paient pas un montant d'impôts équitable en Europe ».
En 2018, la Commission européenne, l’exécutif de l'Union, a proposé un prélèvement numérique de 3 %, arguant que le système fiscal devait être mis à jour pour l'ère numérique. A l'époque, la Commission européenne avait déclaré que les entreprises numériques payaient en moyenne un taux d'imposition effectif de 9,5 % - contre 23,2 % pour les entreprises traditionnelles.
Cependant, non seulement, la Maison-Blanche a déclaré qu'une taxe numérique était injuste, car elle touchait de manière disproportionnée les entreprises américaines, mais aussi certains pays européens se sont opposés au projet de taxation des géants américains de la technologie (appelés communément GAFA pour Google, Apple, Facebook et Amazon), arguant que ce projet pourrait avoir un impact négatif et nuire à l'économie européenne. « Une taxe sur les services numériques s’écarterait des principes fondamentaux de l’impôt en ne s’appliquant qu’au chiffre d’affaires, sans prendre en compte le fait de savoir si le contribuable réalise un bénéfice ou non », avaient-ils déclaré à l’époque.
Suite à l’enlisement de l’initiative européenne, certains pays comme la France se sont lancés dans une initiative locale de taxation des géants du Web. Une taxe de 3 % sur les revenus des services numériques réalisés en France par les entreprises de plus de 25 millions d'euros de chiffre d'affaires en France et de 750 millions d'euros (845 millions de dollars) dans le monde a été approuvée par le Sénat français en juillet 2019. La taxe numérique française, qui devrait entrer en vigueur rétroactivement à partir du début de 2019, a fait l’objet d’enquête et de représailles de la part de l’administration Trump, qui s’était engagée à appliquer des droits de douane de 100 % sur certains produits français, notamment le champagne, le fromage et les sacs à main.
Suite à la décision américaine, l'Union européenne avait promis en décembre qu’elle « agira d'une seule voix » face aux menaces américaines. Maintenant, ces grandes entreprises technologiques ont pris un nouvel essor dans le sillage de la pandémie du covid-19, de nombreux consommateurs comptant sur elles pour le télétravail, les courses en ligne, la formation à distance et autres.
« Les géants des plateformes numériques sont les véritables gagnants de cette crise, d'un point de vue économique », a ajouté M. Gentiloni. « Nous en faisons tous l'expérience dans notre propre vie ».
Pendant ce temps, les gouvernements ont désespérément besoin de fonds supplémentaires et l'imposition de nouvelles taxes est un moyen essentiel d'y parvenir. Dans ce contexte, l'UE envisage de proposer une nouvelle taxe numérique en 2021 si les négociations au niveau de l'OCDE échouent d'ici la fin de l'année. « Si nous n'obtenons pas de résultats décents au niveau mondial, la Commission européenne présentera l'année prochaine sa propre proposition », a déclaré M. Gentiloni.
Ce sont environ 140 États qui ont continué à négocier cette année à l'OCDE un nouvel accord sur la fiscalité transfrontalière, un accord qui pourrait être adapté à l'ère numérique. Toutefois, avec la crise sanitaire du coronavirus, les discussions n'ont pas beaucoup avancé alors que l'année est sur le point de se terminer. Par ailleurs, les États-Unis se sont retirés des négociations en juin, ce qui a porté un coup aux négociations et a fait douter de la faisabilité des progrès réalisés cette année. En juillet, les États-Unis ont annoncé des taxes supplémentaires de 25 % sur les produits français suite à l'adoption de la taxe GAFA, mais ont différé les mesures de rétorsion de six mois.
En mai, à la reprise des discussions autour de la taxation des géants du Web, le ministre français de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire avait averti que le projet français de taxe numérique sera mis en œuvre cette année, qu’il y ait ou non un accord international. La taxe numérique française était censée rapporter 400 millions d’euros en 2019, puis 650 millions cette année.
M. Gentiloni a déclaré qu'il y avait eu des progrès au niveau technique, parlant des discussions au niveau de l’OCDE, mais que la prochaine élection présidentielle aux États-Unis avait un impact sur le processus. « Nous sommes dans une année électorale aux États-Unis et je pense que cela a également une influence », a-t-il déclaré, ajoutant que l'UE devait néanmoins « insister sur la nécessité d'une solution globale ».
Les géants de la technologie ont été les principaux acteurs de la période difficile de la pandémie, permettant aux autres entreprises de maintenir leurs activités – les équipes étant obligées de travailler depuis chez eux –, et aux populations de se faire livrer les produits nécessaires à domicile et garder les liens avec la famille.
Selon un commentateur, « Punir les gens parce qu'ils sont indispensables en temps de crise semble être une mauvaise idée ». Il est vrai qu’une « réforme fiscale est attendue depuis longtemps, mais ce raisonnement est plus que faussé », a renchéri un autre. Et vous, qu’en pensez-vous ?
Source : CNBC
Et vous ?
Que pensez-vous des propos de Paolo Gentiloni ?
Faut-il taxer davantage les géants de la technologie sur la base qu’ils sont les « vrais gagnants » de la crise du coronavirus ?
Que se passera-t-il si l’Europe parvient à mettre en place sa propre taxe sur les géants de la technologie ?
Voir aussi :
La France déterminée à mettre en œuvre son projet de taxation des géants du numérique en 2020, qu'il y ait ou non un accord international, prévient Bruno Le Maire
Les États-Unis s'engagent à appliquer des droits de douane de 100 % sur le champagne, le fromage et les sacs à main français, en représailles de la taxe sur les services numériques
Taxe GAFA : l'Union européenne « agira d'une seule voix » face aux menaces américaines, d'imposer des droits punitifs allant jusqu'à 100 % sur les produits français
L'Italie emboite le pas à la France en approuvant son projet de taxe numérique nationale ciblant les GAFA, qui devrait entrer en vigueur en janvier 2020