Fin août 2016, Apple a été sommé par la Commission européenne de verser une somme de 13 milliards d’euros à l’Irlande pour avantages fiscaux illégaux. C'est en Irlande que se trouve le siège d'Apple en Europe, et c'est là que l'entreprise enregistre tous les bénéfices réalisés dans cette zone géographique.
D’après Margrethe Vestager, qui était alors commissaire chargée de la politique de concurrence, les avantages fiscaux accordés à Apple ont permis à la société de payer beaucoup moins d'impôts que les autres sociétés pendant de nombreuses années. Ce traitement sélectif aurait permis à Apple de se voir appliquer un taux d'imposition effectif de 1 % sur ses bénéfices européens en 2003 ; lequel taux aurait diminué jusqu'à 0,005 % en 2014, d’après Margrethe Vestager.
L’Irlande et Apple ont fait appel de cette décision. Le gouvernement irlandais a affirmé qu’Apple n'a jamais bénéficié de traitement de faveur et que le traitement fiscal qui lui a été appliqué respecte bien les normes en vigueur en Irlande. Par ailleurs, il a accusé la Commission d'avoir fait une surévaluation des bénéfices réalisés par les filiales d'Apple se trouvant en Irlande en l'occurrence Apple Sales International (ASI) et Apple Operations Europe (AOE). Selon Dublin, les importantes décisions qui s'appliquent à ces deux filiales ont été prises aux États-Unis et par conséquent, les bénéfices qui en résultent ne devraient pas leur être imputés.
L'Irlande a soutenu que « la Commission européenne n'a pas la compétence, selon les règles en matière d'aide publique, à substituer de façon unilatérale la politique fiscale d'un État membre par son propre point de vue. »
Une situation qui a été génératrice de tension en Europe. Face au peu d’empressement de l’Irlande de récupérer les impôts présumés d’Apple, Bruxelles a lancé une action en justice contre l’Irlande en octobre 2017. Aussi, début décembre 2017, le gouvernement irlandais a annoncé avoir trouvé un accord avec l’éditeur d’iOS afin de commencer à collecter début 2018 les 13 milliards d’euros réclamés par Bruxelles.
Il a fallu attendre septembre 2018 pour que ce montant soit entièrement collecté, bien qu'il était toujours possible qu'Apple puisse récupérer l'argent.
Fin septembre 2019, Apple a lancé un recours juridictionnel contre l'ordre de la Commission européenne de payer ces 13 milliards d’euros d’arriérés d’impôts dans le cadre de la campagne de répression menée par l’UE contre l’évasion fiscale des multinationales.
Apple remporte l'appel
Le 15 juillet 2020, le Tribunal de l’Union européenne a décidé d'annuler la décision de la Commission sur des rulings fiscaux irlandais en faveur d’Apple. Et d'expliquer :
« En 2016, la Commission a adopté une décision portant sur deux rulings fiscaux émis par l'administration fiscale irlandaise (Irish Revenue) le 29 janvier 1991 et le 23 mai 2007 en faveur d'Apple Sales International (ASI) et d’Apple Operations Europe (AOE), qui étaient constituées en tant que sociétés de droit irlandais, mais n’étaient pas résidentes fiscales irlandaises. Les rulings fiscaux contestés approuvaient les méthodes utilisées par ASI et AOE pour déterminer leurs bénéfices imposables en Irlande, afférents aux activités commerciales de leurs succursales irlandaises respectives. Le ruling de 1991 est resté en vigueur jusqu'en 2007, lorsqu'il a été remplacé par le ruling de 2007. Le ruling de 2007 est resté en vigueur jusqu'à la mise en place de la nouvelle structure d'entreprise d'Apple en Irlande en 2014
« Par sa décision, la Commission a estimé que les rulings fiscaux en question constituaient une aide d’État illégalement mise à exécution par l'Irlande. L’aide a été déclarée incompatible avec le marché intérieur. La Commission a exigé la récupération des aides en question. Selon les estimations de la Commission, l'Irlande aurait accordé 13 milliards d'euros d'avantages fiscaux illégaux à Apple.
« L’Irlande (affaire T-778/16) ainsi que ASI et AOE (affaire T-892/16) ont demandé au Tribunal de l’Union européenne d’annuler la décision de la Commission.
« Par son arrêt de ce jour, le Tribunal annule la décision contestée car la Commission n’est pas parvenue à démontrer à suffisance de droit l’existence d’un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
« Selon le Tribunal, c’est à tort que la Commission a déclaré l’existence d’un avantage économique sélectif et, partant, d’une aide d’État en faveur d’ASI et d’AOE.
« Le Tribunal approuve les appréciations de la Commission relatives à l’imposition normale en vertu du droit fiscal irlandais applicable en l’espèce, notamment au regard des outils développés au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), tels que le principe de pleine concurrence, afin de contrôler si le niveau des bénéfices imposables validés par les autorités irlandaises correspond à celui qui aurait été obtenu dans des conditions de marché.
« Toutefois, le Tribunal considère que la Commission a erronément conclu, au titre de son raisonnement principal, que les autorités irlandaises ont accordé un avantage à ASI et AOE, pour ne pas avoir attribué à leurs succursales irlandaises les licences de propriété intellectuelle du groupe Apple détenues par ASI et AOE et, de ce fait, l’ensemble des revenus commerciaux d’ASI et d’AOE, obtenus à partir des ventes du groupe Apple en dehors du continent américain. En effet, selon le Tribunal, la Commission aurait dû démontrer que ces revenus représentaient la valeur des activités effectivement réalisées par les succursales irlandaises elles-mêmes, eu égard notamment, d’une part, aux activités et aux fonctions effectivement exercées par les succursales irlandaises d’ASI et d’AOE et, d’autre part, aux décisions stratégiques prises et mises en œuvre en dehors de ces succursales.
« En outre, le Tribunal considère que la Commission n’est pas parvenue à démontrer, au titre de son raisonnement subsidiaire, des erreurs méthodologiques dans les rulings qui auraient abouti à une diminution des bénéfices imposables d’ASI et d’AOE en Irlande. En effet, bien que le Tribunal déplore le caractère lacunaire et parfois incohérent des rulings fiscaux contestés, les défaillances identifiées par la Commission, à elles seules, ne suffisent pas à prouver l’existence d’un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
« Par ailleurs, le Tribunal considère que la Commission n’a pas prouvé, au titre de son raisonnement alternatif, que les rulings fiscaux contestés étaient la conséquence du pouvoir discrétionnaire exercé par les autorités fiscales irlandaises et que, de ce fait, un avantage sélectif aurait été accordé à ASI et à AOE ».
La réaction de la Commission
Margrethe Vestager, désormais vice-présidente exécutive de la Commission européenne, a déclaré que la Commission « étudierait attentivement le jugement et réfléchirait aux prochaines étapes possibles » :
« L'arrêt rendu aujourd'hui par le Tribunal annule la décision de la Commission d'août 2016 selon laquelle l'Irlande a accordé des aides d'État illégales à Apple au moyen d'allégements fiscaux sélectifs. Nous étudierons attentivement cet arrêt et réfléchirons aux prochaines étapes possibles.
« La décision de la Commission concernait deux décisions fiscales rendues par l'Irlande à Apple, qui ont déterminé le bénéfice imposable de deux filiales irlandaises d'Apple en Irlande entre 1991 et 2015. À la suite de ces décisions, en 2011, par exemple, la filiale irlandaise d'Apple a enregistré des bénéfices européens de 22 milliards de dollars américains (environ 16 milliards d'euros), mais en vertu de la décision fiscale, seuls environ 50 millions d'euros étaient considérés comme imposables en Irlande.
« La Commission soutient pleinement l'objectif selon lequel toutes les entreprises devraient payer leur juste part d'impôt. Si les États membres accordent à certaines multinationales des avantages fiscaux dont ne peuvent bénéficier leurs concurrents, cela nuit à une concurrence loyale dans l'UE. Elle prive également les fonds publics et les citoyens de fonds pour des investissements indispensables - dont le besoin est encore plus aigu en période de crise.
« Dans des arrêts antérieurs sur le traitement fiscal de Fiat au Luxembourg et de Starbucks aux Pays-Bas, le Tribunal a confirmé que, si les États membres ont une compétence exclusive pour déterminer leurs lois en matière de fiscalité directe, ils doivent le faire en ce qui concerne le droit de l'Union, y compris les aides d'État règles. En outre, le Tribunal a également confirmé l'approche de la Commission pour évaluer si une mesure est sélective et si les transactions entre les sociétés du groupe donnent lieu à un avantage au regard des règles de l'UE en matière d'aides d'État fondées sur le principe dit de pleine concurrence.
« La Commission continuera d'examiner les mesures agressives de planification fiscale dans le cadre des règles de l'UE en matière d'aides d'État afin d'évaluer si elles entraînent des aides d'État illégales. Dans le même temps, la mise en œuvre des aides d'État doit aller de pair avec un changement de philosophie des entreprises et de la législation appropriée pour remédier aux lacunes et garantir la transparence. Nous avons déjà fait beaucoup de progrès aux niveaux national, européen et mondial, et nous devons continuer à travailler ensemble pour réussir ».
Source : décision de la CJUE, réaction de Margrethe Vestager
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Le , par Stéphane le calme
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