Le camp Macron fait-il encore volte-face sur la question de l'anonymat en ligne ? Le 18 janvier, devant les maires réunis pour le deuxième acte du grand débat national au Palais des congrès de Souillac (Lot), Emmanuel Macron a tenu des propos dans lesquels il appelait à une « levée progressive de tout anonymat ». Le Président français a déclaré que pour améliorer la qualité de la démocratie participative, l'on « doit aller vers une levée progressive de toute forme d'anonymat » en faisant mention de « processus où on sait distinguer le vrai du faux et où on doit savoir d’où les gens parlent et pourquoi ils disent les choses ». Macron pense que cela est nécessaire étant donné qu'aujourd'hui, « on a beaucoup d’informations, tout le temps, mais on ne sait pas d’où elles viennent. »
Avec de tels propos, le Président français n'a pas échappé aux critiques des internautes et des défenseurs des droits et libertés des citoyens sur Internet, comme la Quadrature du Net. Mais Mounir Mahjoubi, le Secrétaire d'État chargé du Numérique, invité sur RMC quelques jours plus tard, a essayé de clarifier les déclarations de Macron. Selon lui, le Président français ne voulait pas parler de l’anonymat en général, mais plutôt de l’anonymat lié à la démocratie participative en ligne. Sur les réseaux sociaux, Mounir Mahjoubi dit souhaiter qu'on ne mette pas fin à l’anonymat. « Sur un site de rencontres, je veux bien que tout le monde s’appelle Robert234 ou Angeline2828. Chacun doit pouvoir choisir son pseudo et sa vie virtuelle. Mais quand on est sur un site de démocratie participative, notamment les dispositifs numériques pour que les citoyens puissent s’exprimer régulièrement, faire des pétitions légales, je ne veux plus que ce soit anonyme », disait-il.
La sortie de Mounir Mahjoubi a peut-être permis de chasser de l'esprit de certaines personnes l'idée selon laquelle Macron voulait mettre fin à l'anonymat en ligne. Si c'est le cas, alors le doute pourrait revenir après des propositions faites par trois députés LREM au Secrétaire d'État chargé du Numérique, pour endiguer le phénomène de cyber-harcèlement sur les réseaux sociaux. Rebondissant sur les agressions qu'a connues le chanteur LGBT Bilal Hassani sur Twitter, les députés Laurence Vanceunebrock-Mialon, Raphael Gérard et Gabriel Serville ont appelé à durcir les sanctions à l'encontre des utilisateurs.
« Il reçoit aujourd’hui un message haineux toutes les six secondes en moyenne, l’obligeant à utiliser une application de modération des contenus haineux », disent-ils à propos du chanteur. Les trois députés LREM rappellent que la loi punit la publication de propos injurieux ou diffamatoires contre un LGBT à un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende ; et l'injure publique à six mois d’emprisonnement et 22 500 euros d’amende. Mais ces mesures, estiment-ils, ne sont pas de nature à dissuader les auteurs de messages de haine, car ils sont, dans la pratique, peu poursuivis compte tenu de la difficulté à les identifier.
Ils proposent donc, d'une part, que « les messages [soient] supprimés systématiquement, comme c’est le cas actuellement pour les comportements ciblés tels que le terrorisme ou la pédopornographie où le taux de suppression est de l’ordre de 90 % ». D'autre part, ils appellent à prendre des mesures plus fermes contre les auteurs de ces messages.
La première mesure est la fermeture définitive des comptes et la transmission des adresses IP et emails des utilisateurs fautifs à la justice. « Aujourd'hui, lorsqu'il s'agit d'un cas isolé, le compte est verrouillé et l'utilisateur reçoit un message à portée pédagogique expliquant en quoi le message viole les conditions d’utilisation des réseaux sociaux : c'est une démarche qu'il faut saluer dans une perspective d'éducation au numérique », écrivent les députés. Toutefois, en cas de récidive, les députés se disent favorables à une « suspension définitive du compte, assortie d’une transmission systématique de l’adresse IP et de l’adresse email à la justice pour que des sanctions soient effectivement prononcées ».
Conscients que l'adresse IP peut ne pas révéler l'identité de l'utilisateur, les députés proposent aussi une obligation de fournir des pièces d’identité lors de la création d'un compte. « Pour pallier les stratégies de multiplication des comptes ou d'hébergement de l'adresse IP à l'étranger, nous proposons que soit envisagée l’hypothèse de créer une obligation légale de recueil des pièces d’identité à l’occasion de la création de comptes sur les réseaux sociaux, à l'image de ce qui existe sur d'autres plateformes telles que AirBnb ».
Cette dernière proposition fait écho de la déclaration d'Emmanuel Macron sur la fin de l'anonymat en ligne. S'agit-il d'une action indépendante ou coordonnée ? On ne peut le dire. Mais elle va l'encontre de la position du Secrétaire d'État chargé du Numérique. Dans son interview sur RMC, Mounir Mahjoubi expliquait en effet qu'il n'était pas favorable à la fin de l'anonymat sur les réseaux sociaux. « Si l'on disait demain sur Twitter qu'on levait l'anonymat, les gens iraient ailleurs, prendraient d'autres identités. Aujourd’hui ce n’est techniquement pas souhaitable et pas possible », disait-il. Plutôt que de s'attaquer à l'anonymat pour mettre fin aux discours de haine ou au harcèlement en ligne, il a plutôt suggéré d'adopter des lois qui exigeront la suppression de tels contenus dans les 24h par exemple.
Sources : Twitter, RT France
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Une tentative de lever l'anonymat en ligne ?
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Le , par Michael Guilloux
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