La journaliste Kashmir Hill a raconté une expérience personnelle avec le réseau social qui l’a beaucoup intriguée.
« Rebecca Porter et moi étions des inconnues, d’autant que je sache. Néanmoins, Facebook a pensé que nous pouvions être connectés. Son nom est apparu cet été sur ma liste de “Personnes que vous pouvez connaître”, la liste du réseau social de potentiels nouveaux amis », a commencé Hill.
Il arrive que la liste de suggestions d’amis « Personnes que vous pouvez connaître » de Facebook puisse être déroutante par son degré de précision. Hill rappelle par exemple qu’elle a déjà entendu des rumeurs étranges sur les liens que Facebook arrive à dénicher. Par exemple, elle a évoqué le fait qu’un psychiatre lui a raconté que deux de ses patients se sont vus recommandés l’un à l’autre, exposant indirectement leurs problèmes médicaux.
« Ce qui rend les résultats aussi troublants, c'est l'éventail des sources de données – information sur la localisation, activité sur d'autres applications, reconnaissance faciale sur les photographies – que Facebook a à sa disposition pour lier ses utilisateurs les uns aux autres, dans l'espoir de les garder encore plus attachés au site. Les gens sont généralement conscients que Facebook surveille leur identité et comment ils utilisent le réseau, mais la profondeur et la persistance de cette surveillance sont difficiles à saisir. »
Pour essayer de comprendre un peu plus le fonctionnement de l’algorithme de Facebook, Hill a commencé à télécharger et sauvegarder la liste des personnes que Facebook lui recommandait.
« Un jour, il m’a recommandé environ 160 personnes, il m’a recommandé certaines d'entre elles encore et encore. Au cours de l'été, il m'a suggéré plus de 1400 personnes différentes. Environ 200, soit 15 % d'entre elles, étaient en fait des personnes que je connaissais, mais le reste semblait être constitué d’inconnus. » C’est après cet épisode qu’une nouvelle suggestion va la laisser perplexe.
« Et puis il y a eu Rebecca Porter. Elle est apparue sur la liste après environ un mois : une femme plus âgée, vivant en Ohio, avec qui je n'avais pas d'amis de Facebook en commun. Je ne l'ai pas reconnue, mais son nom de famille était familier. Mon grand-père biologique est un homme que je n'ai jamais rencontré, avec comme nom de famille Porter, qui a abandonné mon père quand il était un bébé. Mon père a été adopté par un homme dont le nom de famille était Hill, et il n'a pas connu son père biologique avant l'âge adulte.
« La famille Porter habitait en Ohio. Ayant grandi de l’autre côté du pays, en Floride, je savais que ces parents étaient quelque part, mais il n'y avait aucune raison de penser que je les rencontrerais.
« Il y a quelques années, mon père a finalement rencontré son père biologique, ainsi que deux oncles et une tante, quand ils l'ont cherché pendant un voyage en Ohio pour l'enterrement de sa mère. Aucun d'entre eux n'utilise Facebook. J'ai demandé à mon père s'il reconnaissait Rebecca Porter. Il a regardé son profil et a dit qu'il ne le pensait pas. »
Tout ceci avait suffisamment alimenté la curiosité de Hill pour qu’elle se décide à écrire un message Facebook à Rebecca Porter, lui expliquant la situation et prenant le soin de lui demander si elle était parenté à son grand-père biologique. Ce à quoi elle a répondu « Oui ».
« Rebecca Porter, nous l'avons découvert, est ma grande tante par le mariage. Elle est mariée au frère de mon grand-père biologique, elle l'a rencontré il y a 35 ans, l'année qui a suivi ma naissance. Facebook connaissait mieux mon arbre généalogique que moi.
« "Je ne te connaissais pas", m'a-t-elle dit quand on a parlé au téléphone. "Je ne comprends pas comment Facebook a créé la connexion."
« C'était une conversation agréable. Après avoir raccroché, je suis restée assise pendant 15 minutes. J'étais contente que Facebook m'ait donné la chance de parler à un parent inconnu tout en étant impressionnée et déconcertée par son apparente omniscience.
« La façon dont Facebook nous avait relié restait difficile à imaginer. Mon père avait rencontré son mari en personne une fois, après l'enterrement de ma grand-mère. Ils ont échangé des courriels, et mon père avait son numéro dans son téléphone. Mais aucun d'eux n'utilise Facebook. Ni les autres personnes nous liant, Rebecca et moi, sur l'arbre généalogique. »
Hill était décontenancée. Elle s’est rappelé que des rumeurs ont indiqué que Facebook achète des données personnelles à des fournisseurs tiers. D’ailleurs, un ancien employé de l’entreprise qui est habitué au sujet a partagé son avis selon lequel la connexion familiale pourrait venir de là.
Cependant, lorsque Hill s’est tournée vers Facebook, un porte-parole lui a dit que « Facebook n’utilise pas de données en provenance de tiers pour sa liste “Personnes que vous pouvez connaître” ». Lorsqu’elle a demandé quelles informations ils ont donc utilisées, l’entreprise s’est défilée, évoquant des raisons privées.
Selon elle, la raison pour laquelle Facebook ne veut pas communiquer dessus réside dans le fait que les compétiteurs de Facebook utilisent eux aussi des fonctionnalités de suggestions. Elle a rappelé qu’en 2010, lorsque le vice-président de l’ingénierie de Facebook présentait cette fonctionnalité, il a assuré que « les gens avec le plus d’amis utilisent encore plus le site. »
Rappelons tout de même que l’année dernière, une étude de ProPublica a conclu que le réseau social connaîtrait davantage de données plus sensibles de ses utilisateurs sans le leur indiquer de manière claire. Dans le cadre de son étude, ProPublica a développé une extension Chrome qui lui a permis de collecter plus de 52 000 attributs uniques que Facebook a utilisés pour classifier les utilisateurs.
Selon Jeffrey Chester, directeur du Center for Digital Democracy, « Facebook rassemble une douzaine d’entreprises différentes pour cibler les données d’un seul utilisateur, et cet utilisateur devrait savoir ce qui se passe. »
De façon poétique, Hill conclu en disant « Maintenant, quand je regarde mes recommandations d'amis, je suis nerveuse non seulement en voyant les noms des personnes que je connais hors ligne, mais également par tous les étrangers apparaissant sur la liste. Combien sont vraiment des étrangers, je me le demande, et combien sont reliés à moi d’une façon dont je ne suis pas au courant ? Ce ne sont peut-être pas des gens que je connais, mais sont-ils des gens que je devrais connaître ? »
Source : billet de Hill
Et vous ?
Qu'en pensez-vous ? Avez-vous déjà vécu une expérience similaire dans la suggestion d'amis ?
Voir aussi :
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Le , par Stéphane le calme
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