Une autre femme qui est également familière à l’environnement de travail de Google a décidé de s’inviter dans ce débat sur la diversité de genre dans la tech. Vidya Narayanan est cofondatrice d'une startup, mais est passée par des grandes entreprises de la tech comme Qualcomm et Google. Chez Google, où elle était juste avant d'aller créer sa startup, Vidya Narayanan était Lead Tech. Elle a donc dirigé des projets d'ingénierie à la tête d'équipes de 20-30 hommes, des ingénieurs notamment. Contrairement à la directrice générale de YouTube, Vidya s’est attaquée à l’approche qu’ont les gens de la diversité, en expliquant que cela la « rend malade ».
Vidya Narayanan
L’inégalité de genre dans la technologie s’explique et n’est pas forcément le résultat de sexisme ou d’une forme de discrimination quelconque
Pour Vidya Narayanan, essayer de recruter plus de femmes dans la tech pour corriger les problèmes d’inégalités ne peut qu’empirer la situation. Pour expliquer cela, elle partage trois expériences différentes qu’elle a vécues. La première était chez Google. « Au cours des recrutements que j'ai faits chez Google, 97 % des personnes que j'ai embauchées étaient des hommes », dit-elle. Et de préciser : « Ce n'est pas comme si je n'essayais pas d'embaucher des femmes. Mais j'avais affaire à des candidats dont 90 % étaient des hommes ». Vidya explique donc qu’avec un tel pourcentage de candidats masculins, il n’y avait aucun moyen qu’elle puisse embaucher un pourcentage de femmes plus important que ce qu’elle a fait.
Elle a ensuite quitté Google pour créer sa startup. Là encore, elle a voulu embaucher plus de femmes dans son équipe de technologie, mais l’expérience n’a été qu’un échec. « En tant que femme entrepreneur, je voulais créer une entreprise qui avait une équipe diversifiée. J'ai honte d'admettre que j'ai échoué jusqu'à maintenant », dit-elle. « Nous avons beau essayer, mais nous nous sommes retrouvés avec un groupe de candidats avec 98 % d'hommes. Nous sommes une startup en phase de démarrage qui ne peut pas se permettre les salaires du marché. En dépit de cela, nous avons proposé des salaires plus élevés pour embaucher quelques femmes qui ont bien réussi dans nos entretiens. Mais, elles manquaient d'énergie... Pire encore, elles commencèrent à drainer l'énergie du reste de l'équipe. Finalement, nous avons dû faire la bonne chose pour l'entreprise et les laisser partir. Je suis maintenant à nouveau la seule femme de l'équipe (technologique). »
L’ancienne Lead Tech de Google est également mère de deux enfants : un garçon de 7 ans et une fille de 9 ans. Elle dit que les deux ont en général une bonne compréhension des mathématiques et de la logique. On pourrait dire que ces derniers sont biologiquement destinés à maîtriser les mathématiques et les analyses. Vidya explique en effet que ses enfants ont une mère qui a obtenu un score 800 au GRE Analytics et un père qui a eu un score de 800 au GRE Quant. Mais en essayant de les initier à la programmation, le garçon s’est montré plus apte que la fille. « Cet été, nous avons débuté avec Python », dit-elle. Si « le garçon ne peut pas arrêter d'essayer de résoudre les problèmes, la fille a déclaré qu'elle détestait cela ». Elle dit toutefois avoir remarqué que sa fille est très enthousiasmée lorsqu’il s’agit de créer des autocollants avec Photoshop.
Essayer de résoudre les problèmes de diversité en embauchant plus de femmes nous fait tomber dans un cercle vicieux
Après ses tentatives de diversité pour de grandes entreprises et sa startup, et ses tentatives pour initier ses enfants tôt à la technologie, elle conclut donc que l’obsession de la diversité et les tentatives actuelles de résoudre les problèmes de diversité ne feront qu’empirer la situation des femmes dans le domaine de la technologie. Pour Vidya, on tombe en effet dans un cercle vicieux, une boucle sans fin qu’elle décrit comme suit :
- nous nous inquiétons de l'état de la diversité de genre dans la technologie ;
- nous faisons un pacte pour embaucher plus de femmes alors que parmi les candidats, il y a beaucoup plus d'hommes que de femmes ;
- nous commençons donc à faire un compromis et embaucher des femmes simplement parce que nous devons le faire et non sur la base du mérite ;
- le travail de ces femmes n'est pas aussi bien que nous l’aurions voulu ;
- en voyant cela, les hommes qui pensent déjà que les femmes ne sont pas faites pour la technologie ont une raison de plus de croire cela ;
- ils généralisent donc cette observation sur l'ensemble des femmes dans la communauté technologique ;
- tôt ou tard, certaines de ces opinions se répandent ;
- les féministes parmi nous s'enflamment ;
- les défenseurs de la diversité sont pris dans une frénésie et font à nouveau un pacte pour embaucher plus de femmes ;
- nous revenons ainsi au point de départ.
Au nom de la diversité, les entreprises se mettent à embaucher plus de femmes, juste pour remplir des quotas qui leur sont réservés. En agissant ainsi, Vidya explique que ce sont toutes les femmes dans le domaine qui vont en subir les conséquences.
S’attaquer au problème de diversité des genres à la racine
Vidya se présente comme une personne qui est 100 % favorable à la lutte contre les préjugés subliminaux contre les femmes dans la technologie. Cela couvre un large éventail de préjugés comme le fait de dire que « parce qu'on est une femme, on ne peut pas devenir ingénieur » ou encore que « parce qu'on est une femme, on est biologiquement prédisposée à être un ingénieur moins bon » que les hommes. Elle dit ne pas non plus être favorable au fait d'essayer de combler l'écart dans la diversité dans la technologie alors que le pipeline (les demandeurs d'emploi et les nouveaux diplômés en ingénierie) est intrinsèquement dominé par les hommes.
Pour résoudre le problème de diversité des genres, elle propose donc de commencer à la source du problème, c'est-à-dire encourager les femmes à poursuivre des études en ingénierie. « Si nous augmentons l'afflux de femmes dans la formation technologique, nous augmenterons automatiquement la diversité dans l'embauche... Quand nous décidons de corriger les problèmes de la diversité sans aller la racine du problème, nous aliénons tout le monde, même ceux qui veulent aider. »
Source : Billet de blog de Vidya Narayanan
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