Le Président de la République a réuni hier un conseil restreint de défense pendant lequel ont été abordés de nombreux sujets touchant à la sécurité intérieure dans un contexte où la menace terroriste plane. Il a été abordé entre autres la question du chiffrement des communications.
À l’issue du conseil, le Ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve a avancé que « nous avons notamment insisté sur le défi que représente pour la lutte antiterroriste la question du chiffrement d’un certain nombre de moyens de communication utilisés par les terroristes », précisant qu’il recevra son homologue allemand, Thomas de Maizière, le 23 août pour lancer une initiative européenne destinée à préparer une initiative plus internationale. Pour faire face efficacement à ce nouveau défi, le ministre estime qu’une action « bien au-delà des frontières nationales » doit-être appelée, « une action européenne et une action internationale ».
Le Ministre de l'intérieur précise que le chiffrement est « une question sur laquelle nous travaillons au plan européen, une question sur laquelle la France est en première ligne parce que c’est une question centrale dans la lutte antiterroriste ». Et de rappeler que de nombreux messages échangés en vue de la commission d’attentats terroristes « le sont désormais par des moyens cryptés, ce qui rend difficile le travail des services de renseignements ». Le Ministre de l'intérieur insiste sur le fait qu’il s’agit là d’un enjeu considérable dont la gravité est d’ailleurs mise en exergue par les interpellations récentes ainsi que les enquêtes conduites par les services de renseignement.
« Ce n’est pas un pays seul qui peut prendre des initiatives ». Le Ministre de l'intérieur appelle à l’unité sur ce problème. Le Ministre de l'intérieur a d’ores et déjà fait des propositions à son homologue allemand qui feront l’objet d’une discussion durant la rencontre prévue pour le 23 août prochain.
En juillet dernier, le père Jacques Hamel, un prêtre catholique français de l'archidiocèse de Rouen, s'est vu assassiné au nom de l'État islamique. Le 26 juillet, Adel Kermiche et Abdel Malik Petitjean, tous deux âgés de 19 ans, avaient pris en otage cinq personnes et tué le prêtre en pleine messe dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray, avant d'être abattus par la police. Les deux hommes, qui vivaient à 700 kilomètres de distance, avaient fait connaissance quelques jours avant leur passage à l'acte via la messagerie cryptée Telegram, identifiée comme étant l'un des moyens de communication préférés des jihadistes, en raison notamment de sa politique de confidentialité. L'application des frères Durov propose de rédiger des messages qui vont s'autodétruire après lecture suivant le temps qui convient à l'utilisateur (il peut même être de quelques secondes). Elle chiffre également les données de bout en bout, mais est bien loin d'être la seule à proposer cette caractéristique : d’autres applications accessibles au plus grand nombre comme WhatsApp (propriété de Facebook depuis 2014) et Viber (rachetée par le groupe japonais Rakuten la même année) disposent également de cette caractéristique. Il faut également évoquer les réseaux d'anonymisation comme Tor.
Bernard Cazeneuve n’a pas donné plus de détails sur ses intentions exactes. La France veut-elle, contrairement aux recommandations de l’ANSSI, imposer aux opérateurs de contourner le chiffrement via des portes dérobées ? Suivre le même chemin que la Russie qui a un texte de loi prévoyant que les éditeurs fournissent un moyen de déchiffrer les communications transitant sur leurs réseaux à ses services secrets (FSB) ?
Rappelons que l’ANSSI a indiqué que « parmi les outils de protection indispensables figurent au premier rang les moyens de cryptographie et notamment les technologies de chiffrement de l’information. Eux seuls permettent d’assurer une sécurité [des] données numériques sensibles ». D’ailleurs l’agence a cité les échanges couverts par le secret de défense nationale, les données de santé, les données stratégiques des entreprises et les données personnelles des citoyens comme étant des exemples d’éléments auxquels profite le chiffrement. Comme solution à ce problème que suscite le chiffrement dans un tel contexte, l’agence appelle à privilégier la coopération avec les fournisseurs de services et produits de sécurité. Dans le cas où cette approche s’avère insuffisante, l’agence propose que soient développées des techniques d’interception et d’intrusion informatiques d’ores et déjà prévues par la loi, bien que l’agence reconnaît que cette démarche est « complexe et coûteuse ».
Reste à savoir ce que la France et l’Allemagne ont concrètement planifié après la rencontre du 23 août.
Source : Elysée (déclaration de Bernard Cazeneuve à l'issue du conseil restreint de défense)
Voir aussi :
France : l'ANSSI se dit en faveur du chiffrement et contre l'installation de portes dérobées dans une missive adressée à plusieurs ministères
Russie : un amendement oblige les éditeurs à fournir un moyen de déchiffrer les communications au FSB les services secrets russes
La France en passe de lancer une initiative européenne contre le chiffrement
Au nom de la lutte contre le terrorisme
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Le , par Stéphane le calme
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